samedi 28 janvier 2012

BJORN BERGE – Blackwood


Honte à moi, c’est seulement maintenant que je découvre réellement ce grand génie venu du froid, un maitre de la 12 cordes. J’avais eu l’occasion d’entendre son terrible « Antipop », mais les choses étant ce qu’elles sont, je ne me suis pas laissé porter par la découverte, ayant d’autres priorités musicales à ce moment-là. Il aura fallut attendre que le web et le hasard de ses rencontres m’offre la possibilité de me racheter, enfin.

Mais que nous réserve donc le « String Machine » sur son nouvel album ? Dès l’ouverture, avec le sur vitaminé « In And Out », on se dit qu’il va se passer un truc, mais comment fait-t-il pour jouer ainsi ? Nul doute que Bjorn Berge est allé signer un contrat au même croisement que Robert Johnson. C’est bien évidement de blues dont il est question sur « Once Again » ;  avec ce morceau, le guitariste prouve qu’il n’est pas que bon pour les saillies guitaristiques, mais qu’il peut sans problème ralentir le tempo sans perdre l’attention de l’auditeur. La voix grave de Bjorn offre au « Woodstock » de Joni Mitchell une forte dose de nostalgie qui lui va à merveille. Entre slide démoniaque (« Accused ») et picking à la cool (« Same Old Fool »), Mr Berge possède une grande palette de couleurs et surtout des chansons qui ont une âme, cette petite chose qui fait souvent défaut aux Guitar Heros. L’album s’achève avec « Darkness » qui semble être directement taillé dans du bois noir, superbe. Bref, tout ceci est hautement recommandable. 

Pour les amateurs de blues et de bonne musique, Bjorn Berge sera au Sunset/Sunside le 10 Février 2012, plus d’infos sur Azimuth Productions.

mercredi 25 janvier 2012

SARAH CARLIER – For Those Who Believe


“For Those Who Believe” est le premier L.P de Sarah Carlier, une jeune métisse Bruxelloise de 21 ans. Et le moins que l’on puisse dire, au vu de son jeune âge, c’est qu’elle ne manque pas de maturité. Flirtant avec Ayo et Tracy Chapman, elle nous offre une musique tantôt mélancolique, tantôt solaire. Un titre comme « Little Sister » tient autant du blues que de la musique africaine, c’est un vrai régal. Plus loin il y a le très estival « Backstage », un voyage entre Hawaï et la Jamaïque qui ravira autant les amateurs de ska que les folkeux, tendance Herman Düne. Mais Sarah Carlier, c’est avant tout de la Soul acoustique, certes absolument pas révolutionnaire, mais qui se soucie d’une nouvelle révolution musicale ? Sur « Tenderness », la chanteuse se laisse aller à un funk radiophonique très dansant, si ce n’est pas le meilleur titre de l’album ; nul doute que celui-ci lui ouvrira quelques bonnes portes. Et franchement, une artiste qui aligne autant de bonnes compositions (« Let’s Believe », « My Dear ») sur son premier album, c’est plutôt rare. Alors bien sûr, tout n’est pas parfait, le tout pourrait être plus acéré, mais « For Those Who Believe » possède le charme des premières œuvres, les plus sincères, toujours. Mais au fait, qui est le Mr Ray de la dernière chanson ? Une affaire à suivre…

Pour les chanceux parisiens ou les provinciaux mobiles, Sarah Carlier sera en concert à Paris au Sunset les 2 février, 7 mars et 4 avril 2012. Plus d’info sur Azimuth Productions

mardi 24 janvier 2012

DEMAIN J’ARRETE


C’est décidé demain j’arrête de dépenser presque tout mon pognon en cd et vinyle, simple question de survie. Bon, je ne vais pas passer aux mp3 non plus, j’ai des principes moi monsieur ! Je vais simplement mieux choisir mes achats et freiner ma boulimie, en plus je savourerai plus mes acquisitions (l’ultime argument du pauvre…).  D’autant que j’aime aussi le cinéma (de genre, une fâcheuse tendance à la cinéphagie) et la bande dessinée, trop c’est trop, il faut que je me canalise. Et puis, je l’avoue, les récents débats houleux sur les blogs voisins m’ont quelques peu  blasé. J’ai eu l’amère sensation qu’acheter des disques est un crime, que cela finance les multinationales, qui ainsi pourront payer des flics pour stopper le piratage (je simplifie)… Et oui, la soudaine fermeture de Megaupload a semé le trouble chez les blogueurs « mangeurs de disques ». Je ne me suis jamais servi de cette plateforme, et sa fermeture ne bouleverse pas ma vie. Et puis, il fallait s’y attendre ! Ce qui me turlupine plus, c’est la fin de l’internet libre, une douce utopie. Bientôt la toile sera sponsorisée de toute part, débarrassée de la passion des millions de blogueurs ne possédant pas le « copyright », vidée de sa substance (oui, je suis un pessimiste convaincu). Du coup, la question est la suivante : Pourrons-nous à nouveau vivre sans internet ? Pas sûr !

Alors, c’est décidé demain j’arrête de consommer frénétiquement, après tout, je possède assez de disques et de livres pour me faire plaisir une vie entière. Mais je n’y peux rien, je suis avide de découverte, il me faudra juste être plus drastique dans mes sélections. Il me faudra revenir à un rythme moindre, et plus savourer les choses. Je suis fatigué de cette culture kleenex trop vite digérée, il faut d’urgence que je rééduque mes papilles gustatives…

lundi 23 janvier 2012

N°59 CREEDENCE CLEARWATER REVIVAL – Cosmo's Factory – 1970


Creedence est avec les Beatles l’un des rares groupes à mettre quasiment tout le monde d’accord. Le band de John Fogerty est une sorte de fantasme de l’Amérique, celle qui chasse l’alligator dans le bayou, celle des grands espaces arides et des ranchs isolés, mais aussi celle du Vietnam. La musique du groupe est une mine d’or pour les producteurs de films hollywoodiens. Il faut dire que Creedence avait le don de pondre des morceaux rudement efficaces avec une facilité déconcertante, trois albums publiés pour la seule année 1969. « Cosmos Factory » est une sorte d’aboutissement, c’est le sommet avant le déclin, preuve que le génie, celui de Fogerty, fut éphémère. Derrière sa pochette très laide, une des plus moches de l’histoire du rock, se cache un album à tomber, un chef-d’œuvre absolu. Un disque que Dylan lui-même qualifia de meilleur album de l’année 1970.

Bien qu’issu de San Francisco, C.C.R jouait un rock revival bourré d’énergie, à des années lumières du reste de la scène locale, des groupes comme Grateful Dead ou Jefferson Airplaine qui avaient totalement viré psychédélique. Comme tous les albums du groupe, « Cosmos Factory » offre son lot de reprises fifties.  « Ooby Dooby » profite ainsi d’un dynamitage en règle, façon Fogerty Brothers. C’est également sur ce disque que figure la célébrissime reprise de « I Heard It To The Grapevine », popularisée quelques temps plus tôt par Marvin Gaye.  La groupe offre un traitement swampy à ce chef d’œuvre de la musique soul, le jam dure plus de 11 minutes, et c’est un pur bonheur. Si les reprises sont bonnes, les compositions de John Fogerty sont toujours aussi excellentes. Qui n’a pas tremblé de plaisir en entendant l’introduction de « Run Through The Jungle » ; le son est marécageux, moite et poisseux, bref c’est littéralement la jungle qui sort de vos haut-parleurs. Le duo Cook/Clifford forme une section rythmique blindée, sur laquelle les frangins Fogerty peuvent lâcher les tigres. Et pour parfaire le tout, C.C.R nous offre l’une des plus belles ballades anti-guerre du Vietnam, la sublime « Who’ll Stop The Rain ». Si ce titre n’aura pas fait cesser la pluie de bombes, sa simple beauté est déjà un grand cadeau. Je ne vais pas détailler chaque chanson de « Cosmos Factory », car pour cela il me faudrait une année entière, mais la seule chose que je peux vous dire, c’est qu’il n’y a aucun déchet ici.

Même si les dernières éditions cd sont superbes, je ne peux que vous conseiller le coffret 6 cd paru au début des années 2000. Celui-ci contient en plus des albums studios, les deux lives, ainsi qu’un disque rempli de raretés issues de la période pré-Creedence. Essentiel.

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jeudi 19 janvier 2012

N°58 BIRTH CONTROL – Hoodoo Man – 1973


Dans les années 70, les allemands étaient au sommet du rock expérimental : Faust, Amon Duül Zwei et autres Can faisaient passer les gars de Pink Floyd pour de vulgaires rockeurs binaires. En règle générale le Krautrock, ou rock progressif allemand, ne faisait pas étalage de sa virtuosité, il n’y avait finalement pas beaucoup de branleurs de manches et autres têtes à claques, pourtant si nombreux dans le métier. Priorité étant donnée à l’expérimentation et l’improvisation, ainsi un nombre incalculable de choses étranges ont été couchées sur une multitude de 33 tours, souvent double.

Le cas de Birth Control est un peu différent puisque le groupe donne dans un rock hard, teinté de psyché et de prog, à la manière d’Iron Butterfly ou du Ten Years After de « Stonedhenge ». L’album « Hoodoo Man » est incontestablement leur meilleur, il fut publié en 1973, mais très franchement il semble être plus vieux, trop psyché pour les années 70 et pas assez progressif. Le premier morceau, « Buy » commence par une explosion, mais il ne faut pas s’attendre à du Black Sabbath, ici nous avons affaire à du hard rock raffiné, avec un orgue omniprésent.  « Suicide », le second titre, est très Jazzy et l’influence du groupe d’Alvin Lee est palpable, mais le trop long solo casse un peu le rythme, dommage. Ce disque est assez symptomatique des excès de l’époque ; « Get Down To Your Fate », qui est pourtant un morceau musclé aurait largement gagné à être plus concis. Arrive ensuite « Gamma Ray» la pièce maitresse, le grand œuvre de Birth Control, près de dix minutes d’une grande intensité. Tout cela commence avec une fréquence modulée sur près de quinze secondes, avant de virer gros rock. Sur ce titre le chanteur singe Morrison, et derrière lui les musiciens tissent un tapis de plomb, une sorte de version pachydermique des Doors. Jimbo a définitivement troqué sa bouteille de bourbon contre une omelette aux champignons hallucinogènes. Retour en force de l’orgue sur « Hoodoo Man », la chanson titre, là encore l’influence de Ten Years After se fait sentir. Le seul (gros) point noir de ce morceau est son passage « musique d’église » relativement pénible. Passons rapidement sur « Kaulstross », l’instrumental qui referme l’album, celui-ci est plus une plaisanterie qu’autre chose.

« Hoodoo man » fut réédité en 2005 par l’incroyable label allemand Repertoire. Le son est d’enfer, le livret richement illustré et en plus il y a quelques bonus, dont une version 45 tours de « Gamma Ray » qui semble tourner beaucoup plus vite, une véritable curiosité. Et puis, il y a cette pochette incroyable, autant de mauvais goût, ça en devient magnifique.

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lundi 16 janvier 2012

Grand Jeu sans frontière des Blogs: Seconde Edition


La première édition fut une réussite totale, les participants étaient tous bons, et la lutte harassante. Mais quel plaisir mes ami(e)s!!! Par contre, pour la deuxième saison, les règles ont un peu changées, si la thématique journalière demeure, le rythme sera un peu moins soutenu. Un post tous les deux jours, pendant quinze jours, du lundi 13 au samedi 25 février 2012. C'est l'ami Jimmy qui nous a concocté les thèmes de cette nouvelle édition, avec l'aide précieuse de LRR Rooster.

Si vous voulez participer, il suffit d'envoyer un mail à l'adresse suivante:   mangeur.de.disques@gmail.com 

dimanche 15 janvier 2012

THE BEACH BOYS – Smile


Il aura fallu près de 45 (longues) années pour voir enfin débarquer une version officielle, plus ou moins complète du plus légendaire album de l’histoire de la pop. Bien sûr, il y a eu la version de 2004, par Brian Wilson ; mais aussi réussie soit-elle, cette dernière ne possédait pas l’âme des enregistrements des Beach Boys. Il y a également les nombreux bootlegs qui ont inondé le marché au fil des ans, avec plus ou moins de bonheur.

Mais quel plaisir d’entendre « Heroes And Villains », « Surf’s Up » ou encore « Vege-Tables », enfin replacés dans leur contexte d’origine, et pour ne rien gâcher, les versions ici présentes sont splendides. Et que dire de « Good Vibrations », augmenté d’une partie vocale qui rend ce sommet de la musique pop encore plus indispensable… Mais la vraie question demeure la suivante : « Smile » est- il vraiment LE disque qui aurait du changer la face du monde, s’il était sorti en 1967? Fatalement, la réponse est non !  Trop barré pour être honnête, tantôt fouillis, tantôt inabouti, « Smile» souffle le chaud et le froid. Et pour couronner le tout, il souffre grandement de la comparaison avec « Pet Sounds ». Cela dit, rétrospectivement, « Sgt Pepper » ne fait pas le poids face à « Revolver », le problème est donc le même chez les concurrents britanniques. 

Au final, si « Smile » reste un grand album, ce n’est peut-être pas le chef-d’œuvre tant espéré,.Mais qu’importe, ne boudons pas notre plaisir, Brian Wilson nous livre enfin la vision la plus fidèle possible de son grand-œuvre, alors Enjoy…

samedi 14 janvier 2012

Rock Strips Come Back - Collectif


Il y a quelques mois, Flammarion a publié un petit joyau pour les fans de rock et de bande-dessinée, les deux vont souvent de pair. Le principe est simple, un auteur différent par artiste ou groupe de rock. Comme toujours avec ce genre de projet collectif, il y a à boire et à manger. Ainsi, Jean-Christophe Menu se fend d'un mini hors-série de son génial Lock Groove Comix consacré aux Who, une vraie réussite, très drôle comme d'habitude. Tandis que Chaumaz nous offre quelques pages minimalistes et intrigantes sur les robots de Kraftwerk, l’esthétique des scientifiques teutons est respecté à la ligne près. Bien entendu tout n'est pas essentiel, mais qu'importe, les quelques mauvaises feuilles ne sont qu'un bien maigre défaut.

Mentions spéciales aux segments sur Gainsbourg et Bashung émouvants et poétiques. Rien que pour ça, ce livre mérite sa place dans votre bibliothèque.

Un envie soudaine de bandes-dessinées? Voici une bien belle adresse : l'ivresse des bulles, un blog passionnant et passionné.

jeudi 12 janvier 2012

HEADCAT – Walk The Walk… Talk The Talk


Mazette, enfin un grand disque de Wock N’Woll ! Matez-moi un peu le casting de ce power trio : Danny B Harvey, grand guitariste de Rockhab’, Slim Jim Phantom, batteur des légendaires Stray Cats, et enfin Lemmy Kilmister au chant et à la basse ; d’où ce blase qui est une contraction de Motörhead et de Stray Cats. Seulement deux titres sont des originaux, les autres sont des reprises de standards, et quels standards ! Jugez plutôt : « Let It Rock » de Chuck Berry, « Shakin’ All Over » de Johnny Kidd, « Something Else » d’Eddie Cochran et bien d’autres, la grande classe.

L’album débute très fort avec « American Beat », une chanson écrite par le groupe mais qui semble datée de 1956, tant tous les poncifs du genre y passent, un classique instantané. Le trio de l’apocalypse joue fort, mais alors très fort, il suffit d’entendre le traitement de choc réservé au pauvre « Something Else » pour s’en convaincre. La guitare est presque punk, la batterie cogne dru, la basse est plus grasse qu’un cheeseburger au bacon et Lemmy s’époumone comme un psychopathe, un pur orgasme rock 'n' roll. Mais tout cela n’est qu’une mise en bouche car voici que déboule « The Eagle Flies On Friday », grosse déflagration blues en mode virile. A l’inverse, il est plutôt cocasse d’entendre Lemmy et ses compères harmonisés sur un titre des Beatles, le méconnu « You Can’t Do That » tiré de « A Hard Day’s Night ». L’album se clôt avec le célèbre « Crossroads » de Robert Johnson, qui soyons honnête n’a jamais sonné ainsi. La grosse basse saturée de Lemmy mène cette danse du malin jusqu’au célèbre croisement, mais en voyant la gueule de ces trois teddy boys assoiffés de sang, même le diable a pris ses jambes à son cou et on le comprend !

Pour finir, la prise de son est terrible, le rock devrait toujours sonner comme ça. A écouter avec une bonne bouteille de Jack...


mercredi 11 janvier 2012

BOOTS ELECTRIC – Honkey Kong


Jesse Hughes, l’homme qui possède la plus belle moustache du rock, s’offre une petite escapade solo entre deux albums des Eagles Of Death Metal. Laissant ainsi de côté le rock dur qui fut son fond commerce jusqu'à présent, au profit d’une espèce de funk cheap gonflé à la testostérone. L’auditeur habitué aux tribulations du bonhomme risque d’être fort surpris en posant « Honkey  Kong » sur sa platine. Tout synthé dehors, voici que débarque « Complexity », énergique premier morceau d’un album qui n’en manque pas. Suivi de près par « Love You All The Thyme », un mid-tempo au lyrisme malade et rachitique, du grand Boots. Puis voici que débarque sans crier gare l’hymne du groupe, sobrement intitulé « Boots Electric Theme », ce morceau enflammera les dancefloors les plus sordides de la planète. L’album n’est pas avare en hits immédiats, ainsi « No Ffun» sonne comme des Ronettes de rade pourri et « Trippy Blob » nous offre les plus beaux chœurs de l’année 2011. Boots  Electric se paye même le luxe de clôturer son album avec un titre country, « Swallowed By The Night », qui fera vomir leurs BBQ à bien des rednecks. Jamais un morceau country n’aura été aussi maniéré, oscillant entre virilité cowboy et Village People ; la moustache sans doute. 

10 titres pour 32 minutes, « Honkey Kong » a le mérite de ne pas en faire trop, et d’être bon de bout en bout.

dimanche 8 janvier 2012

IZIA – So Much Trouble


Bon, je l’avoue, je suis totalement passé à côté du premier album. J’en ai bien sûr entendu quelques extraits, j’ai failli passer à la caisse plusieurs fois, mais va savoir pourquoi, il y avait cette petite voix qui me disait : « mmmh te laisse pas avoir, c’est sans doute pas si bien que ça, encore un coup de pub. ». Et puis je l’admets, il y avait le fantôme du père, le grand Jacques, un vrai rocker français pour le coup, lourd héritage. Mais il y a peu, je me suis pris la chanson « So Much Trouble » dans la gueule, grosse claque. Quelle allure de tigresse rock, et surtout  quelle putain de voix, enfin canalisée ou disons mieux maitrisée. 

L’album commence fort avec « Baby », qui n’est pas une reprise de Justin Bieber, mais un hymne punk, que les choses soient bien claires. Parait que le premier album était assez monolithique. Celui-ci ne l’est pas vraiment, car parfois le rythme baisse pour nous offrir quelques jolis morceaux plus mélodiques, comme le très pop « Your Love Is A Gift ». Un coup amoureuse, un coup revancharde, Izia nous gratifie de quelques beaux crachats de venin. « I Can Dance » et « I Hate You », prouve que la fille a du caractère. Et que dire de « That Night », qui a tout du miracle auditif, avec cette voix qui oscille entre fragilité blues et arrogance punk ; indéniablement une grande chanson. S’il y a un reproche à faire, disons que la production de « So Much Trouble » manque un peu de mordant. Si le prochain album conserve les mêmes qualités avec en sus une prod’ qui arrache, ce sera le paradis ou l’enfer, à vous de choisir.

A une époque où le rock français a pour nouveau fer de lance un groupe comme les BB Brunes, ça fait sacrément du bien de voir débouler une fille avec des cojones. Et les gentils « Gars du gang », si chers à monsieur Manœuvre, n’ont plus qu’à se produire dans « Chabada » le dimanche après-midi. 

Lien Grooveshark

PS: Très belle pochette également, un hommage au Coop' ?

vendredi 6 janvier 2012

Two Kings: From Graceland to Neverland


En 2010, deux rois auront vu leur tombe profanée, pillée et vandalisée. Tout d’abord Elvis, avec cette chose innommable qu’est « Viva Elvis », une sélection de classiques du kid de Tupelo revus et « corrigés», modernisés comme on dit. Est-ce bien utile ? Bien sûr que non, c’est même un crime ; il suffit d’entendre le single radio, cet horrible remix de « Suspicious Mind », qui à lui seul est un patchwork de tout ce que la pop aura enfanté de plus terrible dans les années 2000, avec la voix d’un Elvis zombie bien mixée en retrait. Quant au reste du disque, et bien c’est encore pire, c’est une succession de cauchemars auditifs. Et puis, il y a cette surréaliste version de « Blue Suede Shoes » qui en plus de ne pas respecter la mémoire du King, salit celle de Carl Perkins (l’auteur de la chanson), avec ses arrangements « Rock Pompier » que n’aurait pas renié Bryan Adams. Mais la vraie « perle » se trouve en fin de galette, c’est le bonus de l’édition française. Un duo avec l’une de nos fiertés nationales, la grandiose Amel Bent qui offre enfin à « Love Me Tender » toute la superbe qui lui a toujours fait défaut... A quand un duo avec un pétomane ?

Le cas Jackson est encore plus triste, lui qui était un maniaque, un perfectionniste, voilà que sont commercialisées des démos terminées à la hâte par un label nécrophile. La mort du King of Pop arrange bien du monde, y compris sa famille. Les comptes sont renfloués, faisons pleuvoir les billets verts. Ne parlons même pas de la polémique qu’a suscitée «Breaking News », premier extrait de l’album «Michael ». D’après de nombreux fans et Jermaine l’intègre lui-même, ce ne serait pas Michael qui chante sur ce titre. Non, ce n’est pas possible, les forums du monde entier s’enflamment, c’est la guerre !! En attendant, tout cela crée joliment le buzz et on ne parle plus que de Jackson. La famille part en guerre contre Sony, pas à un crachat dans la soupe près, un feuilleton digne des Feux de l’amour. Et ce n’est pas fini, le contrat de Sony avec le clan Jackson prévoit dix albums en sept ans. Laissons nos rois se retourner dans leur tombe…
 
Petite mise à jour: Entre la rédaction de cet article et sa publication sur ce blog, la cas Jackson est devenu encore plus grave. Le cirque du soleil, qui nous avait déjà gratifié de "Viva Elvis", nous offre aujourd'hui "Immortal", un massacre pur et simple du répertoire de Michael Jackson. La boucle est bouclée et les tombeaux définitivement profanés...

Tribute Tour, What the Fuck?

C’est quoi ce délire de tournée hommage qui envahit le petit monde du rock depuis déjà pas mal de temps? Entre celle dédiée aux Floyd, Led Zep, Queen ou encore Genesis, on ne sait plus où donner de la tête. C’est en feuilletant mon « Rolling Stones magazine » que je suis tombé sur une pub groupée (pleine page) ventant les mérites de plusieurs tribute tours. Rien d’étonnant à cela étant donné que c’est la même boite qui produit le tout, Richard Walter Production pour ne pas la citer. Je me demande qui va voir ce genre de chose, qui paye pour cet ersatz, pour ce Canada Dry de la musique ? Bien sûr, je sais que ces tournées jouent sur la fibre nostalgique des plus vieux et sur les regrets des plus jeunes, mais merde, c’est de la contrefaçon ! Personne ne va au musée pour voir une réplique de la Joconde peinte par le premier barbouilleur venu, non ? Quelle blague !


Prenons l’affiche du spectacle hommage au zeppelin de plomb (ci-dessus), elle n’est pas trompeuse celle-là ?! Je suis intimement persuadé qu’un bon nombre de gogos tomberont dans le panneau et penseront aller voir les vrais Led Zep enfin reformés (sans Bonham bien sûr, quoique). J’imagine déjà la vague de suicides qui découlera d’une telle mascarade, ou les « mise à sac » des salles de spectacles, il y a du déambulateur qui va voler, je vous le dis. Et il y a ceux, les pires, qui vous diront : « Ah ben, ce n’est pas les vrais mais c’est bien quand même, c’est mieux que rien…. ». Dans ce cas, autant aller voir un sosie de Claude François dans une salle des fêtes d’un bled paumé au fin fond de la Picardie, c’est moins cher. Alors oui, je suis de mauvaise foi, je ne prends même pas la peine de chercher un point positif, histoire d’équilibrer la balance. Mais que voulez-vous, je suis viscéralement contre ce genre de merde, je trouve ça absurde et obsolète. C’est un peu le coup de la sirène des Fidji, visiblement les pratiques de Phineas Taylor Barnum sont toujours applicables au 21ème siècle.

Voilà, j’ai bien déversé mon fiel, à bientôt pour un nouveau coup de gueule. Il y a de la matière en ce moment...

mercredi 4 janvier 2012

ALICE COOPER – Welcome 2 My Nightmare


La voici enfin la suite tant attendue de « Welcome To My Nightmare », album culte mais également première œuvre studio en tant qu’artiste solo pour le roi du shock-rock. « Welcome 2 My Nightmare » est le nouveau cauchemar de Steven, un très mauvais rêve qui va le conduire aux frontières de la folie. Cet album marque également le retour de Bob Ezrin aux manettes, c’est avec lui qu’Alice a produit ses meilleurs disques. Parmi les nombreux invités il y a Rob Zombie, un autre prince de l’horreur, les membres du Alice Cooper Group originel (sauf Glen Buxton décédé en 1997), et bien d’autres.

Ce nouveau cauchemar débute assez bizarrement avec un slow, « I am Made Of You », dont la voix auto-tunée ne laisse entrevoir rien de bon, mais au final ce titre ouvre plutôt bien ce petit bal de l’horreur. Le deuxième morceau est un rock garage ultra speedé, le bien nommé « Caffeine ». Dans cette chanson, l’auteur se bourre de caféine pour ne pas dormir afin de ne pas faire de cauchemars, un peu comme dans un « Freddy ». Mais malgré ses efforts, Steven finira par s'endormir et le mauvais rêve débute enfin. « The Nightmare Returns » fait office d’introduction, suivi de près par « A Runaway Train », morceau démentiel dont les paroles sont un régal. Ce deuxième cauchemar est une sorte de melting-pot de tous les styles abordés par Alice Cooper au cours de sa carrière. Style cabaret avec « The Last Man On Earth », qui est pour moi LE chef d’œuvre de l’album, mais également un hommage aux Stones,« I’ll Bite Your Face Off », et même un titre disco décadent :« Disco Bloodbath Boogie Fever », idéal pour vos soirées d’Halloween. Bien sûr, tout n’est pas parfait, car il y a sur ce disque un véritable cauchemar, au sens propre du terme, l’improbable duo avec la chanteuse Ke$ha ; « What Baby Wants » est une espèce de « Beat-It » foireux et sur-produit, damned ! Fort heureusement le vieux boogeyman se rattrape avec des perles telles que « When Hell Comes Home » et « I Gotta Get Outta Here ».

Au final, « Welcome 2 My Nightmare » est un putain d’album qu’il faut écouter plusieurs fois pour en saisir toutes les nuances. Alice Cooper n’avait pas livré une œuvre aussi complète depuis « DaDa » en 1983.


THE RAPTURE – In The Grace Of Your Love


Après un silence discographique de 5 ans, les New-Yorkais de Rapture sont enfin de retour. En 2009 la chanson « Echoes » a été choisie pour illustrer le générique de l’excellente série TV anglaise « The Misfits ». Pour ce nouvel album le groupe a décidé de frapper un grand coup en embauchant le frenchy Phillipe Zdar pour la production, rappelons qu’il a également produit le dernier et génial album des Beastie Boys.

Mais concrètement que vaut vraiment ce « In The Grace Of Your Love » ? Et bien c’est toujours du disco-punk taillé pour le dancefloor. Les deux premiers titres « Sail Away » et « Miss You » sont méga efficaces et collent la banane direct, mais malheureusement cela ne dure pas. Dès le troisième titre « Blue Bird » les choses se gâtent, le groupe nous pond un titre punk mais sans l’inspiration ni l’énergie, too bad. Le quatrième morceau, « Come Back To Me » démarre plutôt bien avec un beat électro qui arrache, quel dommage que le refrain rappelle les mauvaises heures de l’euro-dance des années 90, encore un beau gâchis. Si les bons titres ne manquent pas, « In The Grace Of Your Love » ou « How Deep Is Your Love », cela n’empêche pas l’album de souffrir de quelques longueurs. Au final, le groupe rate un peu son retour avec cet album qui, s’il est loin d’être mauvais, ne tient pas toutes ses promesses, dommage.


mardi 3 janvier 2012

JOHNNY CASH – Bootleg vol 3: Live Around The World


La série des bootlegs de Johnny Cash semble bien lancée, ce nouveau volume est déjà le deuxième à paraitre en 2010. Cette fois il n’est plus question d’inédits studio, mais de lives enregistrés à travers le monde entre 1956 et 1979. On retrouve des grands classiques de l’homme en noir tels « Folsom Prison Blues », « I Walk The Line » ou encore « Ring Of Fire », dans des versions live très bien menées mais pas toujours indispensables. Comme vous pouvez vous en douter, le son est assez aléatoire, allant du très mauvais comme le live de 62 dans le Maryland, au plutôt bon comme celui à la maison blanche en 1970. Ce troisième volume s’adresse comme son prédécesseur aux fans absolus de Johnny Cash, pour les autres acheter une telle compilation n’a pas de sens. Car si l’interprétation est comme d’habitude sublime (cette version à se damner de « Don’t Think Twice, It’s All Right » au festival de Newport 64…), ici les témoignages ont surtout une valeur historique. A réserver aux maniaques de l’homme en noir, donc, comme votre serviteur…

Pour finir, messieurs de chez Columbia, il serait peut-être temps de sortir enfin la discographie complète de Johnny Cash en c.d remasterisés, car tout un tas de joyaux oubliés sont quasiment introuvables de nos jours et c’est bien dommage. Et puis tant qu'on y est, un petit "Dylan / Cash Session", histoire d'enfoncer le clou.

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lundi 2 janvier 2012

WILCO – The Whole Love


“The Whole Love” est le huitième album studio de Wilco, l’un des groups le plus talentueux de sa génération. En Amérique le gang de Jeff Tweedy est énorme, alors que dans notre beau pays de la culture il reste royalement ignoré, pas étonnant dès lors que le groupe n’a prévu aucune date de concert en France pour promouvoir ce disque. L’album débute avec « Art Of Almost », qui semble tout droit sorti de « Yankee Hotel Foxtrot », le chef-d’œuvre absolu du groupe. Par contre, ceux qui espèrent un nouveau disque expérimental et electro risquent d’être bien déçus. Car dès le deuxième titre, « I Might » l’ambiance change radicalement, nous avons droit à un titre pop plutôt enlevé, lorgnant plus du côté des trois premiers albums du groupe. En fait, « The Whole Love » est un patchwork de tous les styles que Wilco maîtrise et ils sont nombreux, avec tout de même une nette attirance pour le folk-rock. D’ailleurs l’album se clôt avec un titre magistral, « One Sunday Morning », longue litanie folk de près de 12 minutes, un final en apothéose contenant des parties de guitares magnifiques qui rentreront dans les annales.

Au final, « The Whole Love » n’est sans doute pas tout à fait au niveau des trésors passés du groupe (à confirmer après plusieurs écoutes), mais reste un très bon album. Jeff Tweddy est définitivement un grand songwriter, qui n’a plus rien à envier à ses pères. Wilco conserve son titre de plus grand groupe de sa génération.


DIDIER WAMPAS – Taisez moi !


Tiens, Didier Wampas nous fait le coup de l’album solo, c’est étrange, lui qui disait ne pas être pour ce genre d’exercice. Bon, partons du principe qu’il n’y a que les abrutis qui ne changent pas d’avis et jetons une oreille attentive sur l’objet en question.

La réalisation de l’album a été supervisé par Ryan Ross (ex : Panic At The Disco), les maquettes enregistrées à L.A et l’album au studio I.C.P de Bruxelles, pas très punk tout ça. Normal, car l’album n’a rien de punk, il sonne plus comme un mélange de yéyé voire de variété française et de pop anglo-saxonne type Kinks ; et chose étonnante Didier chante juste, ou presque ! Mr Wampas démarre son skeud avec une chanson d’amour très atypique, « La propriété c’est du vol », car même en amour être propriétaire d’une personne c’est du vol, oui monsieur ! Pour la première fois de sa carrière le trublion punk nous parle de son job à la R.A.T.P au travers d’une chanson très bien fichue, « Punk Ouvrier ». Didier Wampas défend également Michel Sardou avec une chanson qui a déjà fait le buzz sur la toile (comme dirait ce con de Morandini), « Chanteur de droite » nous pose une question essentielle : Faut t-il forcément être de gauche pour être un artiste respectable ? Côté textes Didier Wampas nous fait du Didier Wampas pur jus, dixit les hilarants « Magritte » et « Ainsi Parlait Didier Wampas », mais musicalement, même si c’est très bon, il manque parfois l’énergie et l’urgence des Wampas. Au final « Taisez-moi » est une sympathique curiosité, mais ça ne va pas au-delà, malheureusement.

THE ROOTS - Undun



Les Roots sont déjà de retour avec un dixième opus studio, à peine plus d’un an après « How I Got Over ». On pourrait craindre qu’une telle productivité nuise à la qualité des albums du groupe, mais il n’en est rien, « Undun » est une pure merveille. Le disque s’articule autour de la vie et la mort de Redford Stevens, un jeune dealer. Le groupe choisit de raconter son histoire en commençant par la fin.  « Undun » fera tomber bien des préjugés, car il est nullement question de glorification de la violence et encore moins de misérabilisme, dans cette fable urbaine. 

Electrocardiogramme plat, voix lointaines suivies d’une musique étrange, mais apaisante, ainsi commence « Dun », le court morceau d’introduction. Suivi de près par « Sleep », un rap organique assez bizarre, qui dévoile un groupe qui fait preuve d’une grande maitrise instrumentale. Ensuite c’est l’avalanche de rap ultra-cool, la violence de l’histoire n’est jamais un prétexte à un déversement de testostérone inapproprié.  Des morceaux comme « Make My » ou « I Remember » laissent l’auditeur sur le cul, les refrains chantés sont d’une extraordinaire beauté, tout l’opposé des poncifs habituels du genre. L’album se referme avec la superbe « Redford Suite », basée sur un instrumental de Sufjan Stevens. C’est du grand art, juste quelques cordes et un piano qui nous offrent 5 minutes simplement bouleversantes. 

L’album est relativement court, 38 minutes, mais d’une grande tenue. Pour faire simple, The Roots donnent une belle leçon d’humilité aux rockers qui nous livrent bien souvent des concepts albums prétentieux et longs comme des jours sans pain. Incroyable.

dimanche 1 janvier 2012

1966, une année charnière…


Il y a des années comme ça, des années qui changent le cours de l’histoire de la musique. J’aurais tout aussi bien pu faire un article sur 1955, l’année de l’explosion Rock n’Roll, mais j’ai préféré me pencher sur cette belle année 1966, trop souvent oubliée.

1966, c’est l’année du grand changement, l’année où la musique pop devient adulte, l’année de la fin de l’innocence. Des deux côtés de l’Atlantique, c’est l’heure des grandes métamorphoses. Les Beach Boys publient « Pet Sounds », une symphonie adolescente assez éloignée des hymnes surfs auxquels le groupe avait habitué son public. C’est après avoir entendu « Rubber Soul » des Beatles paru en décembre 1965 que Brian Wilson décide de faire un album plus évolué, avec en tête le « mur de son » de Phil Spector. Aujourd’hui considéré comme un chef-d’œuvre, « Pet Sounds » fut un flop lors de sa sortie en mai 1966. En ce même mois de mai, Dylan publie le premier double album de l’histoire du rock, le légendaire « Blonde On Blonde ». 1966 est également une grande année pour les Rolling Stones qui sortent « Aftermath » en avril, leur premier album consacré uniquement aux compositions du tandem Jagger-Richards. L’été 66 verra les gentils Byrds virer psychédélique avec un troisième album surpassant de loin les précédents efforts discographiques du groupe, le splendide « Fifth Dimension ». En août les Beatles frapperont un grand coup, encore, avec « Revolver » qui est sans aucun doute possible le plus grand album pop du groupe. Toutes les compositions sont ici essentielles, ce qui n’est pas le cas sur « Sgt Pepper », soyons sincères. Le groupe et George Martin utilisent le studio comme un instrument à part entière et inventent le premier morceau techno de l’histoire, « Tomorrow Never Knows ». En octobre c’est au tour des Kinks d’évoluer vers une pop raffinée avec un premier chef d’œuvre, l’incontournable « Face to Face » et son single « Sunny Afternoon ». Les Who termineront l’année en beauté avec un deuxième album hétéroclite et barré contenant « A Quick One, While He’s Away », un mini opéra rock qui préfigure déjà le futur « Tommy ».

Si l’année 1966 fut le briquet qui alluma la mèche, 1967 sera l’explosion, avec les premiers albums des Doors, du Velvet Underground ou encore du Jimi Hendrix Experience, mais c’est une autre histoire…

Pourquoi SUPERGRASS est-il le plus grand groupe de Brit'Pop de l'histoire?


Première raison, et sans doute la meilleure, Supergrass n’a pas publié de mauvais album, et cela n’arrivera pas. Le groupe s’étant séparé il y a deux ans, la perspective d’un nouvel opus studio est fortement compromise. Sauf reformation dans une cinquantaine d’années, on est pénard à ce niveau là.

Deuxième raison, le côté « perdants magnifiques » des membres du groupe leur vaut un gros capital sympathie. Pourtant en 1995 les débuts étaient prometteurs : avec le fameux « Allright », Supergrass se hissât au sommet des charts anglais. Par la suite, la bande à Gaz n’a eu de cesse de rater de peu les marches de la gloire. Ce n’est pas faute d’avoir produit des albums impeccables, contrairement aux frères Gallagher qui eux triomphaient malgré tout. Il n’y a pas l’équivalent d’un « Be Here Now » ou d’un« Think Tank » chez Supergrass ; quand Oasis et Blur étaient cramés, nos Oxfordiens tenaient bon la barre.

Troisième raison, Supergrass ne fit jamais deux fois le même disque. Presque punk au début, puis psyché, prog ou glam, le groupe a tout tenté et tout réussi. Sans jamais donner dans le démonstratif ou tomber dans le piège du disque rempli ras la gueule et dégoulinant de trop d’égo. La simplicité, camarade !

Pour toutes ces raisons, je l’affirme, Supergrass est le plus grand groupe de Brit’ pop au monde. Bien sur, on est en droit de préférer Blur, Oasis ou même The Verve (si vraiment on a très mauvais goût), c’est légitime. Perso, je préfère Supergrass, tout comme j’ai tendance à préférer les Kinks aux Beatles et le Clash aux Sex Pistols.

M83 – Hurry Up, We’re Dreaming


 M83 est un groupe électro formé à Antibes par Anthony Gonzales et Nicolas Fromageau. Très vite Nicolas quitte le groupe, laissant Anthony seul maître à bord du vaisseau spatial. Si M83 reste relativement méconnu en France, aux Etats Unis ce n’est pas le cas. Du coup, Anthony s’est exilé aux States et a orienté la musique de son groupe vers quelque chose de plus pop, plus commercial. Si sur le précédent album, « Saturday=Youth », la mayonnaise ne prenait qu’à moitié, avec « Hurry Up, We’re Dreaming », la réussite est totale. Il est vrai que ce sixième album est un gros bébé : 22 titres, 73 minutes, bref le truc vraiment bancal. Fort heureusement, l’œuvre est répartie sur 2 cd ; cette coupure psychologique facilite grandement l’écoute. Je ne sais pas s’il ya un réel concept ou un quelconque fil conducteur, mais l’impression d’être plongé dans un monde qui oscille entre délires enfantins et nostalgie, entre rêve et réalité, perdure tout au long de cet étrange voyage.

Ce nouvel album ne manque pas de hits potentiels, à commencer par le premier single, « Midnight City », une chanson qui sonne comme un succès datant des années 80’s, flirtant avec le kitch tout en restant classe. C’est sans doute ça la force de M83, être rétro et moderne à la fois, sans pour autant tomber dans la facilité. Il est vrai que certains titres à l’instar de « Steeve Mc Queen », sonnent un peu comme, osons le terme, du U2 électro, en moins horrible certes, mais quand même. Heureusement, les quelques moments un peu douloureux sont largement compensés par un lot de perles, comme par exemple « Echos Of Mine », seule chanson en français de l’album, bouleversante de poésie. Il y a aussi « Splendor », un morceau électro planant, qui n’est pas sans rappeler certaines ballades des Beatles mais en plus vaporeux…

Au final, « Hurry Up, We’re Dreaming » n’est pas parfait ; comme tous les doubles albums, il souffre de quelques (rares) longueurs. Ce qui ne l’empêche pas d’être un disque hautement recommandable, que les choses soient claires.

Lien Grooveshark 

THE BLACK KEYS – El Camino


C’est déjà l’heure du septième « Long Jeu » pour les Black Keys, sans compter les E.P, albums solos et le supra-génial projet Blakroc. Une productivité qui ferait presque pâlir le pourtant très actif Jack White. « El Camino » marque le retour de Danger Mouse à la prod, et franchement c’est une putain de bonne nouvelle. L’album sonne moderne et rock ‘n’ roll à la fois, c’est sacrément jouissif. J’en connais qui vont encore râler à l’écoute de ce nouveau skeud. Ben oui, les Black Keys ne font plus de blues poisseux, en même temps quatre albums dans le genre, c’est bien suffisant.

Autant le dire tout de suite, « El Camino » c’est 38 minutes d’éjaculation musicale. Dès les premières notes du déjà célèbre « Lonely Boy », un truc se passe dans le cerveau de l’auditeur confortablement assis dans son canapé. Il se lève et se met à danser comme un dératé au risque de perdre toute dignité. Et que dire de « Gold On The Ceiling » et son gros synthé très Danger Mouse ? Pas grand chose, c’est juste une bombe ce titre. Le duo revisite également la traditionnelle ballade hard rock 70’s avec « Little Black Submarine », sorte de « Stairway To Heaven » enfin débarrassé de son côté démonstratif. Et puis, il y a « Sister », hymne plus soul que rock ; le voilà, le vrai hit en puissance, ce morceau fera Shaker plus d’un Booty, sur les rares dancefloor qui ont encore la classe.  Les Black Keys referment l’album avec « Mind Eraser », une grande leçon de composition, brillant.
Les grincheux pourront toujours râler sur le fait que les Black Keys aient définitivement tourné le dos au blues rêche de leurs débuts, et qualifier ce disque de commercial. Déjà, il n’est pas commercial, il est juste moderne, ensuite je parie que ces mêmes rabat-joies, mépriseraient tout autant le groupe s’il nous resservait toujours la même soupe au bout de 7 albums. « El Camino », album rock de l’année ? Assurément, dans tous les cas, c’est celui des chroniques de Toorsch'.

Charlu me comprendra…

JACK OF HEART – In Yer Mouth


Voulez-vous un groupe rock garage frenchy qui sonne comme un band anglais des Mid 60’s? Si oui, cette chronique devrait vous intéresser. Jack Of Heart est une production Born Bad, un super label qui produit de la musique bien à l’ouest des sentiers trop battus. « In Yer Mouth » est le deuxième album de ce combo de fous furieux, plus influencé par les Pretty Things ou Count Five que par les Beatles.

« In Yer Mouth » est à peu près identique à son prédécesseur, même son qui gratte, comme un vieux vinyle poussiéreux oublié dans un grenier, il est juste un poil plus psychédélique ; donc j’adore. Dès « Baby Bitch » (quel titre !), on en prend plein les oreilles, guitare sursaturée, section rythmique au galop et un chanteur hystéro, du vrai Rock ‘n’ Roll quoi ! Le rythme se calme un peu avec « Rock Stones And Pebbles » (quel titre !), mais la tension va crescendo, en prime nous avons droit à une double ration de refrain stupide à fredonner sous la douche. Parfois le groupe se laisse aller et livre des ballades country-destroy de haute tenue, « A Northern Pain In The Ass » (quel titre !) appartient à cette catégorie. N’oublions pas non plus « Lady Wilde », délicieux hommage à Oscar Wilde qui semble tout droit sortie d’un album des Downliners Sect.  Ou encore ce « Joh Jett III » qui renvoie aux Stones juvéniles, un vrai régal. L’album se termine avec deux bombes, histoire de bien nous mettre k.o, « Evil To Me » et « Nowadays », deux trips sans retour, je n’en suis d’ailleurs toujours pas revenu.    

En plus le visuel de la pochette est terrible, un disque à acheter, ne serait-ce que pour soutenir un petit groupe et son label qui se démène pour nous pondre du bon son garage. Une ptite pièce ma brave dame…


Pas de links pour de l'écoute, sorry...

TOM WAITS – Bad As Me


Le grand Tom Waits nous revient enfin avec un nouvel album, 5 ans après le splendide coffret « Orphans ». Ca commence très fort avec un « Chicago » plutôt hargneux, son cradingue et cuivre chauffé à blanc, le monsieur Loyal du rock est de retour et il est en grande forme. Sans temps mort, le chanteur enchaine avec « Raised Right Men », un blues poisseux avec comme invité Flea des Red Hot Chili Peppers à la basse. L’album alterne les titres rugueux et les grandes ballades comme Tom Waits sait si bien les faire ; « Back In The Crowd » fait partie de la seconde catégorie, cette chanson est belle à pleurer. Dans « Satisfied », le chanteur freak nous offre un testament rock en forme de réminiscence du « Satisfaction » des Stones et devinez qui tient la guitare ? Keith Richards bien sûr ! Le vieux pirate est présent sur trois chansons de l’album, il assure même les chœurs sur la très belle « Last Leaf ». Mais la curiosité de « Bad As Me » est ce « Hell Broke Luce », chanson sur la guerre, oscillant entre du Rap et un Rock Bruitiste d’une rare violence : c’est un Tom Waits Hystérique qui déverse ici son fiel. Le disque se clôt avec « New Year’s Eve » et son refrain emprunté au traditionnel « Auld Lang Syne » (plus connu chez nous sous le titre de « Ce n’est qu’un au revoir »), un final certes convenu, mais qui met en avant le talent de Songwriter du bonhomme qui dresse ici les portraits de plusieurs personnes lors d’une soirée de nouvel an.

 « Bad As Me » est un grand album, mais il ne faut s’attendre à de grands bouleversements. Tom Waits fait ici du Tom Waits et c’est tout ce qu’on lui demande. Le son du disque est dans la continuité de ses précédentes œuvres studio, c'est-à-dire intemporel. L’album de l’année ? Sans doute !


N°57 PHIL SPECTOR / VARIOUS ARTISTS– A Christmas Gift For You - 1963


Si chez nous, les albums de Noël sont le plus souvent l’apanage des artistes has-been ou des starlettes en mal d’amour, outre-Atlantique c’est une véritable institution. On ne compte plus les artistes s’étant livrés à l’exercice. Je ne vais pas vous dresser une liste exhaustive, car c’est tout bonnement impossible, mais sachez que tout le monde ou presque s’y est mis, d’Elvis Presley aux Beach Boys en passant par Johnny Cash. Et je ne compte même pas les artistes ayant juste composé une chanson de Noël : AC/DC, les Ramones ou encore les Pogues avec leur somptueux « Fairytale Of New York ». Mais revenons-en à nos rennes, voulez-vous ? Je vais vous parler d’un classique parmi les classiques, le maitre-étalon des albums de Noël : « A Christmas Gift For You». 

C’est en plein mois de juillet 1963 que Phil Spector convoque tous ses artistes maisons afin de créer le plus ambitieux des albums de Noël de tout les temps. Comme toujours avec l’inventeur du  « Wall Of Sound », le projet est pharaonique : pas moins de cinq guitaristes, trois pianistes, deux bassistes, trois percussionnistes et un batteur jouent tous ensemble avec la rigueur d’un métronome. Dès la première chanson, la magie opère ; Darlene Love livre une sublime version de « White Christmas ». Les Ronettes quant à elles se fendent d’une relecture absolument divine de « Frosty The Snowman » ; les Beach Boys ne feront pas mieux sur leur propre « Christmas Album ». Le disque est composé de 12 chansons plus ou moins traditionnelles ainsi qu’une composition inédite, la splendide « Christmas (Baby Please Come Home) ».  Cette dernière est d’ailleurs devenue un standard à son tour, illustrant de nombreux films de Noël, notamment le « Gremlins » de Joe Dante. Et que dire à propos de « Santa Claus Is Coming To Town » interprété par les Crystals ou de « Winter Wonderland » par Darlene Love ; tout ici est superbe. 

Phil Spector avait tout prévu : production haut de gamme, compositions au poil et artistes talentueux, tout était réuni pour faire exploser les charts hivernaux partout aux Etats-Unis. Logiquement ce L.P devait se vendre par wagons entiers. Mais gros coup du sort, l’album sortira le 22 novembre 1963, soit le jour de l’assassinat de J.F.K. Du coup l’Amérique n’a plus la tête à la fête, et le « Christmas Album » de Phil sombre dans l’anonymat avant de devenir culte. Il fut réhabilité par les Beatles via leur label Apple près de dix ans plus tard.

N°56 JOHNNY CASH - Love, God, Murder – 2000 (Coffret 3cd, compilation)


Pour mon premier grand classique consacré à l’homme en noir, il fallait que je frappe un grand coup. Alors une fois n’est pas coutume, c’est une compilation et non pas un album qui fera l’objet d'une chronique. « Love, God, Murder » est un coffret paru en l’an 2000, il comprend 3 cd avec à chaque fois une thématique bien précise. Le premier volume « Love » est consacré aux chansons d’amour ; le second, « God », tire vers le Gospel et les chansons religieuses ; tandis que le troisième, « Murder », se concentre sur les histoires de meurtres et autres affaires sordides : c’est de loin le volume le plus intéressant du lot. Chaque album est « préfacé » par une personne célèbre assez proche de Johnny cash : June Carter Cash pour « Love », Bono pour « God » et enfin Quentin Tarantino pour « Murder », en plus du traditionnel petit mot de Cash himself.   

Commençons par le commencement avec le premier volume consacré à l’amour qui débute avec « Walk The Line », l’un des grands classiques de la période Sun Records. Si la chanson fut écrite pour rassurer sa première épouse quant à la vie en tournée, force est de constater que Cash aura bien du mal à marcher droit et suivre ladite ligne. La plupart des chansons présentes sur « Love » s’adresse à June, l’amour de sa vie, comme cette superbe ballade country qu’est « All Over Again ». Mais que serait un disque qui parle d’amour sans « Ring Of Fire » ? Cette chanson fit presque office de renaissance pour l’homme en noir, elle lui ouvrit à nouveau la porte des charts américains. C’est un cadeau de June Carter.

Je ne suis pas croyant donc en toute logique «God », le volume consacré à Dieu ne devrait pas me toucher, mais pourtant, les chansons présentes ici sont d’une rare intensité. Même les morceaux country-gospel comme « My God Is Real » ou « It Was Jesus » sont des purs délices. Mais le véritable joyau de cet opus est “Redemption”, enregistré à l’époque du premier American Recording.  Sur ce titre Johnny Cash est seul à la guitare, juste armé de sa voix profonde, c’est d’une telle intensité, l’exemple même de la musique qui parle directement à l’âme. Plus loin il y a « Man In White », en opposition au « Man In Black » qu’il fut parfois de façon extrême.  Voila tout le paradoxe d’un personnage qui n’aura eu de cesse de combattre ses démons et son côté obscur tout au long de sa vie.

« Murder » débute avec un classique parmi les classiques, j’ai nommé « Folsom Prison Blues ». L’histoire d’un type qui bute un mec à Reno juste pour le voir crever et qui finit dans le couloir de la mort. Sans doute la chanson la plus emblématique de Johnny Cash. Juste après il y a « Delia’s Gone », l’histoire du homme qui tue sa femme et qui finit en taule rongé par les remords, un morceau qui fait froid dans le dos. Et que dire de « Cocaïne Blues » ? Encore un type qui flingue sa femme (décidemment), mais cette fois le mec est bien chargé et se fait coincer au Mexique, une histoire de truand classique. La version live ici présente est tirée du concert à Folsom, elle est juste démentielle. Plus loin, on trouve « Highway Patrolman », une reprise d’un titre de Bruce Springsteen paru initialement sur « Nebraska ». La version de Johnny Cash n’est pas super bien produite, années 80 oblige, mais la voix insurpassable du « Man In Black » fait qu’il est impossible de départager la reprise de l’originale. 

 Un quatrième volume intitulé « Life » parait en 2004, ici pas de thèmes précis, juste des bonnes chansons.  Je vous conseille de lire la biographie de Cash en écoutant ce coffret, histoire de bien comprendre l’importance de la chose. Pour le prochain "grand classique" consacré au meilleur chanteur de l’histoire du rock (si, si, j’y tiens !), je vais sans doute me faire un petit American Recording…

N°55 CHRIS REA – The Road To Hell – 1989


“The Road To Hell” est le plus grand succès de Chris Rea, non pas que le type n’ait connu de gloire avant cet album, loin de là, mais rien de comparable.  Sur « Road To Hell », Rea s’oriente vers un rock-blues qui n’est pas sans rappeler celui du Dire Straits des débuts, un style souvent snobé par une certaine élite de la critique rock. « The Road To Hell » est une petite merveille, un album nocturne, un album pour le voyage, en somme, un joli cadeau pour l’autoradio de votre berline. L’homme récidivera dans le même genre, mais en plus organique avec « Auberge », superbe disque paru an 1991. Avec encore une fois une belle référence à l’automobile, via la Caterham  Seven de la pochette.

Bruit de pluie, essuie-glace, mauvaises nouvelles émanant de la radio et un piano nostalgique, ainsi commence « The Road To Hell (Part one) », la chanson d’ouverture de l’album. L’ambiance est grave et la voix profonde et chaude du monsieur colle parfaitement à l’ambiance. L’enchainement se fait merveilleusement bien avec l’ultra-célèbre deuxième partie. « The Road To Hell (Part Two) » est une chanson qui traine dans ma tête depuis ma plus tendre enfance, merci papa. Sans ce morceau et quelques autres, je ne serai probablement pas devenu le fanatique de musique que je suis aujourd’hui.  S’en suit l’acerbe « You Must Be Evil », la production est certes plus marquée, voilà sans doute le gros défaut du disque, mais cela n’empêche pas la chanson d’être magnifique. En plus de « Road To Hell (part one & two) », l’automobile sera à nouveau célébrée avec « Daytona », un vibrant hommage à la légendaire marque au cheval cabré et au modèle du même nom. L’exil vers le Texas est un temps envisagé, mais même perdu dans un ranch au fin fond de la campagne, l’homme ne trouvera jamais la paix. Sur « Texas », Chris Rea laisse bavarder sa guitare slide pour le plus grand bonheur des auditeurs. « Looking For A Rainbow » est construit comme un traditionnel Américain, le chanteur se fend même d’une référence à la désormais célèbre « Maggie’s Farm », mais la production n’a rien de traditionnelle. Plus loin il y a « Your Warm And Tender Love », la filiation avec Mark Knopfler est ici évidente, grande chanson. L’album se termine sur une sublime et triste ballade, « Tell Me There’s A Heaven », on imagine sans mal Tom Waits livrer sa propre interprétation de ce morceau.  

Chris Rea publie aujourd’hui des albums hors normes au propre comme au figuré, le plus bel exemple de cette folie créative est « Blue Guitars », vibrant hommage au blues paru en 2003 qui contient pas moins de 11 cd.

N°54 KRAFTWERK – Trans Europe Express – 1977


Après les autoroutes teutonnes et la radioactivité, Kraftwerk revient avec un nouvel album concept à la gloire des trains. Les « Trans-Europ-Express » étaient des trains de prestige exclusivement de première classe. Aujourd’hui disparus, ils étaient une bonne alternative au transport aérien pour les hommes d’affaires et la haute société. Kraftwerk a toujours été adepte des concepts d’albums vraiment étrange, allant jusqu'à publier un disque hommage à la grande boucle (« Tour de France Soundtracks ») en 2003.  Paradoxalement, malgré leur côté avant-gardiste, les albums de Kraftwerk ont toujours été relativement faciles d’accès. « The Man Machine » sera même un énorme succès grâce au single « The Model », morceau presque pop voire disco.

« Trans Europe Express » est un voyage au travers d’une Europe chic et surannée, une Europe de carte postale, une Europe toute puissante et ivre de réussite. En voiture ! Dès le début de « Europe Endless » nous avons le sentiment de vivre un truc spécial. Si cela est encore vrai aujourd’hui, je n’imagine pas ce que c’était en 1977, cette grande année punk. « Europe Endless » possède un petit côté démodé très charmant, le chic suranné évoqué plus tôt ; en fait ce morceau est à l’image de l’élégante pochette du disque. Faisant suite au long morceau d’ouverture, « The Hall Of Mirrors » est quant à lui beaucoup plus inquiétant et pour tout dire pas très raccord avec le concept de l’album ; c’est un très bon titre malgré tout.  Mais qui sont les « Showroom Dummies » évoqués dans la troisième chanson ?  Sans doute les mannequins des boutiques chics des champs Elysées. Arrive ensuite le morceau-titre et sa rythmique syncopée évoquant le bruit mécanique et régulier d’un train sur ses rails. Avec cette chanson, nous traversons littéralement l’Europe, de Paris à Düsseldorf. Si la musique de Kraftwerk a nourri la célèbre « trilogie Berlinoise » de Bowie, « Station To Station » paru un an plus tôt n’a visiblement pas laissé de marbre les membres de la centrale électrique. D’ailleurs, il y a cette phrase délicieuse dans  « Trans Europe Express » : 'From station to station, back to Dusseldorf City, meet Iggy Pop and David Bowie', tout est dit. Plus loin, nous avons droit à un hommage au compositeur Autrichien Franz Schubert, puis l’album se clôt avec « Endless Endless », reprenant le thème d’ouverture, la boucle est bouclée. Terminus tout le monde descend !

« Trans Europe Express » sera samplé par le rappeur Afrika Bambaataa pour son hit « Planet Rock », ce qui prouve l’étendue de l’influence de Kraftwerk. Toute la discographie du groupe (à l’exception des trois premiers albums) fut superbement rééditée en 2009 ; son d’enfer, livret riche, mais pas de bonus.

N°53 KING GEEDORAH – Take Me To Your Leader – 2003


King Geedorah est l’un des nombreux avatars de Daniel Dumile, plus connu dans le monde du hip-hop underground sous le nom de MF Doom. Si son personnage de Metal Face Doom puise son inspiration dans les comics books, il est d’ailleurs la copie presque conforme de Dr Doom, un super vilain de l’univers Marvel.  King Geedorah fait quant à lui référence à King Ghidorah, l’un des plus célèbres ennemis de Godzilla. Il ne faut donc pas s’étonner de retrouver ici plein de samples issus des  films de Kaijû ; un vrai trip pour un cinéphage comme moi.

« Follow The Light, The Light Is Your Guide », ainsi commence “Fazer” le premier morceau de cet album assez particulier ; point de gros beats vulgaires ici ou de R n’B à la con, ce n’est pas le genre de la maison, King Geedorah donne dans un rap plus pointu. Le second titre, « Fastlane », contient un sample de « Hangin’ on » de Coke Escovedo, ce qui lui donne un petit côté easy listening, tout de même sacrément perturbé par le rap de Biolante et les extraits de films de monstres. Le troisième morceau, « Krazy World », poursuit dans le même ton, mais cette fois c’est Gigan qui pose son rap étrange sur cet instru de fou. King Geedorah se paye même le luxe d’un featuring avec lui-même, en effet c’est MF Doom qui rappe sur «The Final Hour », une sorte d’interlude bizarre issue d’un cerveau malade. Daniel Dumile pousse parfois très loin l’expérimentation, ce qui dans le monde du rap n’est pas une chose des plus courantes, avec des instrumentaux  comme « Monster Zero » ou  « One Smart Nigger », véritables temples aux beats poisseux bourrés d’extraits de films japonais, un vrai régal.  Mais le sommet de l’album est « Anti-Matter », une quasi - reprise du « Message From A Black Man » des Whatnauts. Ce morceau en duo avec MF Doom (?!?) et Mr Fantastik est sans aucun doute possible l’un des plus beaux du Hip-Hop des années 2000 ; quel talent, quel groove… Dans un style plus « Radio Friendly », le morceau « I Wonder » est une petite pépite tout en grandiloquence, mais cela semble plus ironique qu’autre chose. L’album se clôt en apothéose grâce a un « Final Print » en mode 8 bits avec en prime un petit beatbox bien déglingué; vous ai-je dit que notre homme ne manquait pas d’humour ?

La carrière de Daniel Dumile n’est pas facile à suivre tant il multiplie les projets. Mais je vous conseille de tendre une oreille sur « Operation Doomsday », paru sous le nom de MF Doom et sur « The Mouse And The Mask » en duo avec le génial Danger Mouse, paru sous le nom de Dangerdoom.

N°52 BOB MARLEY & THE WAILERS – Uprising – 1980


“Uprising” est un album à part dans la discographie de Bob Marley, c’est son chant du cygne, l’ultime sursaut d’un artiste qui se sait malade. Ce qui ne l’empêchera pas d’entamer une colossale tournée pour promouvoir l’album. Après « Survival », un opus très engagé pour la cause africaine, le prince du reggae revient à des thèmes plus variés. Est-t’il plus apaisé pour autant ? Pas vraiment, car pour un humaniste comme Bob Marley, il n’y a pas de place pour l’apaisement.

Quand j’ai entrepris de faire la chronique d’un album de Robert Nesta Marley, le choix fut difficile. Pourquoi pas « Catch A Fire », le premier album international des Wailers, l’époque bénite avec Peter Tosh ? Et « Exodus » n’est pas mal non plus, et que dire des disques Jamaïcains produits par Lee « Scratch » Perry ? Finalement j’ai jeté mon dévolu sur « Uprising », sans doute pas le meilleur choix pour qui souhaite débuter avec l’œuvre du grand Bob, mais j’ai une affection toute particulière pour cet album. Le disque débute avec « Coming In From The Cold », un morceau plutôt lourd, le son est moins chaud que sur les précédentes œuvres studio, il est également plus ancré dans son époque. Malgré son côté dansant, « Real Situation » est un titre très pessimiste ; résigné, Bob Marley semble lassé de la bêtise humaine qu’on ne peut de toute manière pas stopper. Sous son aspect joyeux, le troisième morceau se révèle assez amer, « Bad Card » est un règlement de compte avec Don Taylor, un ancien manager véreux. Heureusement l’amour est au rendez-vous avec l’ultra célèbre « Could You Be Loved »; portée par son gimmick disco cette chanson est l’une des plus belles jamais composées par le maitre. Quant à « Zion Train », elle semble être la parfaite illustration du Bob Marley prophétique de la pochette, même si l’homme était sans doute trop humble pour soutenir un tel fardeau. « Forever Loving Jah » est une nouvelle chanson religieuse, durant toute sa carrière Bob Marley n’a eu de cesse de célébrer sa foi en musique. L’album se clôt avec « Redemption Song », le genre de chanson qui prouve que parfois l’être humain est capable de faire de belles choses. C’est la dernière chanson publiée par Marley de son vivant et quoi de plus beau pour définitivement clore le bal qu’une ode à la liberté ? Avec ce morceau folk, le roi du reggae s’offre sans filet, un moment de pure magie. La version orchestrale présente sur la réédition n’arrive pas à la cheville de l’originale et manque cruellement d’intensité.

« Want You Help to Sing,
This Song of Freedom”
Des mots qui résonnent comme le plus beau des testaments.


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N°51 TITO & TARANTULA – Hungry Sally & Other Killer Lullabies – 1999


“Hungry Sally” est le deuxième album de Tito & Tarantula. Le groupe a connu un petit succès au milieu des années 90 pour avoir participé aux bandes originales de «Desperado » et « From The Dusk Till Down » de Robert Rodriguez. Le leader de groupe, Tito Larriva, joue d’ailleurs un petit rôle dans le premier, alors que la bande au complet participe au second. Le plus grand « Hit » de Tito & Tarantula est « After Dark », c’est la chanson qui accompagne l’inoubliable striptease de Salma Hayek dans « From The Dusk Till Dawn », un moment intense qui restera gravé dans les mémoires. Après un premier album plutôt blues paru en 1997, le bien nommé « Tarantism » (une référence au réalisateur Q.Tarantino), le groupe revient en 1999 avec ce deuxième album plutôt déconcertant.

Je vais vous épargner les changements de line-up qui ne sont sans doute pas étrangesr aux nouvelles orientations musicales du groupe, pour entrer directement dans le vif du sujet. « Hungry Sally » est sans conteste le meilleur album de Tito & Tarantula, mieux écrit, mieux produit, plus psyché, plus tout. Le disque débute avec « Bleeding Roses », sorte de blues psyché sous forte influence mexicaine. Le deuxième titre, « When You Cry », creuse le même sillon en allant encore plus loin, avec sa guitare wah-wah et sa flûte planante. « When You Cry » est une chanson d’amour cruelle voire méprisante, dans la grande tradition d’un songwriting à la Dylan. Avec « Love In My Blood », le groupe casse un peu l’ambiance lysergique des deux précédentes chansons, en nous servant un blues râpeux qui n’est pas sans rappeler les ZZ Top de la première époque, un vrai régal. Retour au calme avec « Slow Dream » et son ambiance orientale, la structure de la chanson est assez classique, couplet calme/refrain énervé, avec en bonus un petit solo psychédélique qui nous renvoie directement en 1967. Avec « German Fräulein », Tito Larriva exprime déjà son amour pour les femmes allemandes, c’est sans doute l’une des raisons pour laquelle il vit aujourd’hui en Germany ; pays dans lequel le groupe possède encore un très bon succès. Après un petit intermède foutraque, « Betcha Can’t Play », le combo nous crache un teigneux « Clumsy Beautiful World », musicalement très proche de « Peter Gun Thème ». Arrive ensuite la pièce maitresse, l’incroyable « Woke Up Blind », longue plage planante de 10 minutes, qui semble avoir était écrite en plein trip de L.S.D dans un désert aride. Rares sont les morceaux aussi longs qui s’écoutent avec autant de facilité. « Hungry Sally » est un album injustement méconnu et difficilement trouvable aujourd’hui, à part en Allemagne peut-être, et c’est franchement dommage.

« Back Into Darkness », le dernier album en date de Tito & Tarantula date de 2008, il est également très recommandable.