dimanche 24 février 2013

KAVINSKY - Outrun


Croisement entre un Terminator pour les yeux rouges et un badass de Nicky Larson pour tout le reste, Kavinsky alias le Deadcruiser, c'est avant tout un look d'enfer. Un concept de génie, assez proche de ce que propose Quentin Dupieux dans ses films*. Ensuite, il y a le titre de l'album plus la Ferrari Testarossa qui sont un vibrant hommage au jeu vidéo du même nom. Un chef-d'oeuvre vidéo ludique des années 80 manufacturé par SEGA. D'ailleurs les synthétiseurs épiques et stridents ne sont pas sans rappeler ces bonnes vieilles musiques 8 bits. Nostalgie.

Après plusieurs E.P envoyés en éclaireurs, Kavinsky publie enfin son premier album. Les amateurs seront peut-être surpris d'y retrouver un certain nombre d'anciennes compositions un peu remaniées, mais ne boudons pas notre plaisir, car "Outrun" fait preuve d'une grande homogénéité. L'introduction pose les bases de ce disque en cinémascope. Ambiance électrique et cheap, le "Blizzard" souffle fort, la Ferrari se lance sur les routes américaines en faisant crisser la gomme, un étrange pilote à son bord. L'épique "Protovision" est sans doute le meilleur truc electro qui ait été pondu ces dernières années. Cette chose démente semble toute droit sortie d'un film de science-fiction de la grande époque. "Odd Look", le premier morceau chanté mélange habillement furia synthétique et soul, un tour de force incroyable. Dès les premières notes de "Testarossa Autodrive" les images fusent, celles des routes sinueuses et colorées du jeu d'arcade Outrun bien entendu. Le morceau file à 300 km/h sans aucun temps mort. Le diptyque instrumental que forment "Deadcruiser" et "Grand Canyon" évoque fortement les bandes originales des films de John Carpenter, une référence. Quant à "First Blood", c'est du Gnarls Barkley de cinéma bis, lyrique et saturé, grosse ambiance! Il est impossible de finir cette chronique sans parler du fameux "Nightcall", l'ultra-célèbre single qui propulsa Kavinsky dans la sphère des artistes bankables, grâce à sa présence dans le film "Drive". Que dire? Et bien qu'un hit de cette trempe, il y en a un tous les dix ans...

"Outrun" est un premier album majestueux, un coup de maître qu'il sera sans doute bien difficile de réitérer. Une première oeuvre aussi puissante laisse forcément des stigmates.


* Pour la petite anecdote, c'est Kavinsky qui joue le chef des Chivers dans "Steak', un film de Quentin Dupieux avec Eric et Ramzy. Un ovni absolument génial et incompris.

vendredi 22 février 2013

N°93 THE KNITTERS - The Modern Sounds Of The Knitters - 2005


Mais quelle pochette!!! Au premier abord, comme ça, juste en voyant les tronches des zigues sur la couverture du skeud, on a la désagréable impression d'être confronté à un groupe de country allemand tout pourri. Mais il n'en est rien: The Knitters, c'est la récréation d'une bonne partie du combo punk X et des Blasters, entre autres. Il est inutile de préciser que la country délivrée ici (car il s'agit bien de country), est roots à souhait, tendue comme un string de blondasse posée à l'arrière d'une Harley!

On pénètre doucement dans le saloon, l'air est chaud et sec, la poussière rouge nous teint la peau; il ne fait pourtant pas bon avoir la peau rouge par ici. La gorge sèche comme un désert aride, il est grand temps de commander une bière bien fraîche. L'orchestre joue fort, "Dry River" soulève des bourrasques de vent, cette vieille bicoque de bar ne tiendra pas tout le set. Un regard autour de soi suffit pour comprendre que ce rade minable n'est pas peuplé uniquement d'enfants de choeur. Le bruit des chaines qui jadis lestaient leurs pieds est encore audible. La démoniaque version de "Long Chain On" qu'envoient les tricoteurs leur est spécialement dédiée. Une ambiance que n'aurait pas renié Johnny Cash. Après quelques verres, quand l'alcool extrapole les sentiments, il est difficile de contenir ses larmes à l'écoute de "Rank Stranger", de l'émotion pure. Preuve supplémentaire de la grande maîtrise du groupe. Il est grand temps de foutre le feu et de se barrer d'ici en quatrième vitesse, "Burning The House Of Love". Amour poisseux ou payant, voire les deux! Pas d’échappatoire pour les braves, nous sommes nés pour être sauvages. "Born To Be Wild" clôt le set dans la fureur et l'orage. Les quatre cavaliers de l'apocalypse débarquent, ça sent l'huile de moteur en surchauffe, la gomme n'en finit plus de cramer. Les coyotes malingres sont encore plus fous que les loups des steppes. Bordel, que c'est bon!

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lundi 18 février 2013

NICK CAVE & THE BAD SEEDS - Push The Sky Away


On avait laissé Nick Cave en vieux loup décharné perdu dans la furia bruitiste du deuxième et excellent volet du projet Grinderman. Il aura fallu attendre cinq années pour que celui-ci remette en route ses mauvaises graines, une demie-décennie depuis le très réussi "Dig, Lazarus, Dig!". Mais là où le précédent opus fendait l'air telle une scie circulaire hors de contrôle, "Push The Sky Away" s'étend lentement, vaporeusement, du velours imbibé de poison. Car même doux comme un agneau, l'australien tout de noir vêtu reste vénéneux.

Esquisse de mélodie, économie de note, "We No Who U R" est un squelette jauni par le temps. Seul demeure la beauté nue, l'essentiel, le sentiment brut, une pierre mal taillée. "Wide Lovely Eyes" s'envole plus haut, l'air est chaud, quoique toujours un peu vicié. Gospel toxique. La voix tremble un peu, comme intimidée par tant de beauté. Plus loin, "Jubilee Street" tient elle aussi sur presque rien, une fragile guitare comme fil conducteur. Juste quelques notes pour ne pas se perdre dans la nuit. Arrive ensuite la pièce maîtresse, le blues de la particule de Dieu, en paradoxale adéquation avec les traditionnelles allusions religieuses dont Nick Cave est coutumier. "Higgs Boson Blues" est un long spoken-words de près de huit minutes dans la plus grande tradition du genre. Onirique, violent, sombre et lumineux, tout à la fois! Le diable et ce bon vieux Robert Johnson dansent dans la poussière du vieux sud soulevant des volutes de sable piquant. "Push The Sky Away", le morceau-titre, se déploie lentement, timide spectre de chanson, épuré jusqu’à l'os. Un final ambiant et hypnotique, sorte de mariage miraculeux entre Brian Eno et Johnny Cash!

"Push The Sky Away" est assurément un grand cru Cavien qui dévoilera la totalité des ses arômes avec le temps.

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jeudi 14 février 2013

N°91 WHERE ARE YOU FROM? - Compilation - 2011


D'ou viens-tu voyageur de la psyché? Le monde entier comme kaléidoscope, multitude de perceptions, les portes entrebâillées du temps ne sont pas prêtes de se refermer. "Where Are You From?" est une série de morceaux psychédéliques du monde entier s'étalant de 1968 à nos jours. Un beau programme concocté par Christophe Lemaire et le génial label Now Again. Exotisme véritable, point de rococo ou de mièvres musique du monde (un terme très con au passage), le rock ne connait aucune frontière. S'il vous faut une preuve supplémentaire de cette mondialisation, cette courte compilation fera amplement l'affaire. Pas de gras, que de l'essentiel!

Kourosh Yaghamaei est originaire de Téhéran, mais ses influences sont à aller chercher du côté du rock ricain. "Gole Yakh" est un doux trip désertique, une bouffée d'herbe bien verte, et le soleil qui brûle la peau, un bref instant d'été pour un hiver sans fin. Ici, le métissage culturel est de mise, offrant parfois de purs moments de grâce. Les turcs de Mazhar Ve Fuat délivrent ce qui pourrait s'apparenter à la quintessence du psyché, une mélodie qui sent bon le calumet et l'huile chaude du flat 4 d'un combi Volkswagen. Il y a aussi le Zambien Rikki Ililonga, inventeur du Zamrock (glam zambien), sorte de Marc Bolan noir, même son roots, même sens de la mélodie et même classe infinie. C'est à se demander s'il n'y a pas un lien entre sa "Sheebeen Queen" et la "Planet Queen" du modèle Briton. Plus loin, "Sunshine Love" du même Rikki Ililonga est bluesy et poisseux à souhait, indéniablement T Rex dans l'âme, putain, rien que l'évocation de la chose vous colle des frissons. Les allemands de Karl Hector & The Malcouns donnent dans un Krautrock fiévreux façon Can, leur "Sahara Swing" semble tout droit sorti de "Ege Bamyasi".

"Where Are You From?", la chronique d'un monde inversé, un condensé brûlant d'une contre-culture mondiale. L'histoire du rock ne s'écrit pas qu'au travers de grands classiques, aussi bons soient-ils!

jeudi 7 février 2013

Nuits Blanches


Le nuit est tombée depuis longtemps déjà, l'hiver y est pour quelque chose. Pas envie de dormir, je file dans la bibliothèque, tous ces bouquins et bandes-dessinées en tout genre à lire, et que je ne lirais sans doute jamais pour certains. Mais le seul fait de les savoir là, de les contempler me remplit de joie. L'odeur du papier, celle du vinyle et de l’ampli qui chauffe, un régal. Je pousse un peu le chauffage et je suis bien. Par quoi commencer, une bande-dessinée? On verra plus tard, d'autant que ma moitié (la plus belle moitié du tout) tient dans ses mains l'exemplaire flambant neuf de l’anthologie "Creepy" que je gardais bien au chaud. Pas grave, je file vers l'étagère à cd, j'en tire un Tom Waits, idéalement nocturne. La belle reliure toilée de l’édition luxe de "Bad As Me", le papier mat, aussi délicieux au toucher qu'à l'odeur. Voilà pourquoi je ne passerai jamais au mp3, je ne voudrai en aucun cas être privé de ces sensations presque aussi importantes que la musique en elle-même. Nuit blanche, il faut tenir, je fais couler du café, odeur magique, saveur noire pour nuit blanche. Dehors la température descend sous la barre fatidique de zéro degré, pas un temps à mettre un chat à la rue. Les miens sont d'ailleurs bien tranquilles avec moi, bercés par la musique et le bruissement des pages qui défilent.

Il fut une époque pas si lointaine où les nuits blanches étaient légion. Il y a une dizaine d'années de cela je dirais, une paille et une éternité à la fois. C'était l'époque bénie des découvertes, des nuits entières à écouter les Doors, Grand Funk et d'autres. Parfois, c'est l'entière la bouteille de saké qui en faisait les frais. Des instants figés dans le temps, à refaire le monde comme on le fait à dix-huit ans. Je sais, la mémoire est fiction et le souvenir toujours trop parfait, mais bon sang que ces moments étaient doux! Les longues vacances d'été, aucune contrainte, deux mois de totale liberté à vivre en rythme inversé. Mon cycle naturel est nocturne, et encore aujourd'hui, lors de relâche professionnelle, je l'adopte très rapidement. Certaines nuits, la communion avec la musique était telle, qu'aux premières heures du jour nous sautions dans la voiture, direction le disquaire pour refaire le plein, histoire de tenir la nuit suivante. Pas le temps de dormir, parfois deux nuits d'affilée. "Moins tu dors, plus t'es fort", c'était la devise. Stupide, car la privation de sommeil conduit irrémédiablement vers la mort! 

A d'autres occasions, les nuits étaient cinéphiles, ou disons plutôt cinéphages. Entre navets Z, fantastiques ou oeuvres cultes, on entrait dans le 7ème art par la porte de derrière. Avec un goût prononcé pour le déviant. En fait ma manière d'aborder le cinéma est identique à celle d'aborder la musique, c'est aussi simple que cela. Je dois bien admettre que j'en ai vu des merdes, mais toujours avec le sourire. Il est vrai que parfois ça se terminait en queue de poisson et je finissais par m'endormir mollement devant le pire nanar de l'univers. Pour me réveiller quelques heures plus tard, la bouche pâteuse et le crâne au bord de l’explosion, face à un lecteur dvd toujours en action et une télévision déversant un flot continu d'images mal filmées. Pas si éloigné de ça qu'une bonne gueule de bois. Le jus de navet est mal passé? Cinéma, bandes-dessinées et rock, la nuit m'a fait cultiver la sous-culture, elle a façonné ma façon de voir les choses. Elle m'a appris à ne pas aller brouter le foin avec le reste du bétail!

Aujourd'hui je fais de moins en moins de nuits blanches, ça nous arrive quelques fois avec Sadaya, elle possède la même folie juvénile que moi, c'est aussi pour ça que je l'aime. On peut rester la nuit entière dans le bureau sans trop parler, elle dans ses livres, moi dans ma musique. On mesure la qualité d'une compagnie au travers du silence, n'est-ce pas? Mais pour ce qui est des potes, certains sont partis vivre ailleurs, d'autres sont trop occupés à grandir. Les occasions se font plus rares, et bientôt elles n'existeront même plus, c'est ainsi.

mardi 5 février 2013

N°90 YANN TIERSEN - Dust Lane - 2010


Pour le grand public, Yann Tiersen c'est surtout la bande originale du film "Le fabuleux destin d'Amélie Poulain". Ses instrumentaux très mélodiques et féeriques, de la belle musique mais inoffensive. Beaucoup d'accordéon également; ça plus le film de Jeunet, c'est amplement suffisant pour caser Tiersen dans la catégorie des artistes franco-français. Mais n'oublions pas qu'à l'exception de quelques thèmes, la bande originale du "fabuleux destin d'Amélie Poulain" était composée de titres issus des trois premiers albums de Tiersen. Lui même confessa qu'au moment de l'enregistrement, il était déjà passé à autre chose et qu'il envisageait les morceaux inédits comme des pastiches de ses vieilles compositions. De part ses multiples collaborations anglo-saxonnes (Neil Hannon, Shannon Wright et bien d'autres), Yann Tiersen a prouvé qu'il n'est pas l'homme d'une seule musique. Et son récent "Dust Lane" en est la preuve, du post-rock aérien de belle facture, immense.

J'avais un peu lâché le breton après la b.o de "Good Bye Lenin" (hautement plus recommandable qu’Amélie tant au niveau de la musique que du film en lui-même), sans trop savoir pourquoi, la lassitude sans doute. "Dust Lane" est une renaissance, l'artiste se réinvente, fait sa mue.

Nuit robotique ou fragments d'une futur incertain, de la poussière dans le sillon. Puis le folklore débute, l'orchestre défile défiant la ruine. "Amy" comme un murmure, une mélodie en forme d’espoir. "Dust Lane", le mouvement incessant des vagues, une petite guitare, petite touche de piano, retour à la quiétude. Mais très vite tout se corse, une voix robotique annonce le changement. Le reste ne sera que tristesse et perturbation. Le single "Palestine" offre une certaine vision du chaos, très peu de mots pour ce brûlot finalement assez proche d'un Godspeed You! Black Emperor. Plus loin sur le chemin, c'est un "Till The End" qui vous transportera vers un ailleurs forcément meilleur. La libération enfin, le morceau ne cesse de monter comme des milliers de corps arrachés à la terre, flottant dans les airs. Vers la lumière intense ou le noir le plus total, aucune importance. Le temps lui-même cesse son improbable course, l'aiguille se fige sur le cadran ou sous la peau. Quand la musique n'est qu'émotion crue, quand il n'est plus question de notes ou d'instruments, juste de magie. Quelques minutes offertes hors de la réalité.

samedi 2 février 2013

JSF #7: THE BELLRAYS - Black Lightning - 2010

Thème du jour: Weather Time

Un album en fonction de la météo! Putain, ça fait une semaine qu'il flotte quasiment sans stopper, moi ça me fout le moral dans les chaussettes, forcément trempées. Je suis d'humeur noire, je rumine, je regarde bêtement par la fenêtre, je maudis le monsieur météo, un coupable tout désigné! Pour palier à la grisaille ambiante, il me faut au minimum un album coup de poing! Pas un truc folk qui aime la pluie, je suis pas dans le mood là! Besoin d'un machin guerrier, du genre qui vous fait courir à demi-nu sous la pluie, avec la bave aux lèvres et l'oeil torve! Sauvage et mauvais!

"Black Lightning", noire électricité, grosse déflagration garage à faire exploser les tympans et les murs, voire repousser ces foutus nuages. L'astre de feu fonce vers la terre, c'est l'enfer, "Hell On Earth", expéditive fin du monde! Après deux méchancetés rock'n'rolliennes, voilà que débarque "Sun Comes Down", titre providentiel s'il en est; soul jusqu'au bout des os. Un rêve. Multiple comme une hydre, les Bellrays c'est tout autant du rock garage bourrin que de la soul fine, pas de mélange des genres, non, quasiment de la schizophrénie musicale. "Everybody Get Up", le voilà mon chant guerrier, on se croirait dans un Mad Max à faire cracher le pétrole. Un Doomsday de cuir et de métal. Totale Anarchie. Heureusement, l'album finit façon Motown avec un "The Way" ensoleillé et jovial, histoire de détendre un peu l'atmosphère. Il pleut toujours, c'est pas grave, m'en fout je suis bien.

xoxo à tous les autres participants ainsi qu'à la participante. Encore une saison riche en découvertes et  partages, il faut dire que les thèmes étaient gratinés. Thanxxx Mister C!

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