vendredi 24 janvier 2014

DRIVE WITH A DEAD GIRL - Alma Ata II


Cold Wave, psychédélisme kraut glacé dans la froideur du grand Nord. Bruit blanc pour géantes étendues pas si silencieuses que ça. Alma Ata II est déjà le septième LP de Drive With A Dead Girl, groupe lillois formé durant les années 2000, un album qui creuse encore un peu plus le sillon cold et noisy. Les sons oscillent, saturent et se tordent tandis que la chanteuse, telle une prêtresse nordique, incante et implore dans un flot de vocalises étranges. 

"Deseado", un son venu d'ailleurs qui s’immisce dans notre monde par les portes entre-baillées du temps, la tempête se lève au fur et à mesure que le morceau avance et l'intensité sous-jacente devient frontale. Le vent gronde aux travers des enceintes. Déjà la voix interpelle, elle caresse pour mieux frapper, épaulée par un orchestre qui tente de jouer l'apocalypse. Plus loin, le morceau-titre se veut plus docile, comme une bouffée d'air frais, un moment de répit dans ce lourd périple. C'est presque pop, étonnamment doux malgré la rugosité du son. Gros morceau, "Fabulous Tank" multiplie les humeurs et les climats, tantôt dense, tantôt vaporeux, toujours glacial. S'étirant sur plus de 17 minutes, il laisse l'auditeur se perdre dans ses songes, le rappelant parfois à l'ordre, puis le relâchant, joueur. Une épopée flippante jumelle des productions atypiques du label Constellation, un gage de qualité.

Alma Ata II, tel les disques de prog-rock prussiens des seventies, n'est pas facile d'accès, parfois bancal, souvent beau, mais toujours intense.

Bandcamp

jeudi 23 janvier 2014

BUBBA HO-TEP - Don Coscarelli - 2002


Pour vous la faire courte, Elvis est encore en vie. Il dépérit lentement mais sûrement dans une maison de retraite du sud des États-Unis, jusqu'au jour où une momie fringuée en cow-boy débarque pour y refaire le plein d'âmes plus tout à fait fraîches. Dans un ultime sursaut de vigueur et accompagné d'un JFK noir, le King décide de combattre cette menace venue d'un autre âge pour la renvoyer illico vers l'Enfer qu'elle n'aurait jamais du quitter.

Paru en 2002, Bubba Ho-Tep est un film de genre comico-horrifique réalisé par Don Coscarelli, adapté d'une nouvelle de Joe R. Lansdale. Alliant humour, horreur et charge sociale, ce long-métrage déviant est bien plus profond qu'il n'y parait. Possédant plusieurs niveaux de lecture, Bubba Ho-Tep peut aussi bien être vu comme une banale série B que comme ce qu'il est vraiment. C'est-à-dire le plus bel hommage cinématographique jamais rendu au King doublé d'une sévère critique du désolant système médical ricain.

Bruce Campbell est simplement parfait en Elvis vieillissant, tandis que le grand et regretté Ossie Davis incarne le meilleur JFK noir que le cinéma ait connu. La complicité entre les deux acteurs est palpable, ce qui donne lieu à plusieurs scènes instantanément cultes (que je ne citerai pas pour ne pas spoiler honteusement). La momie n'est pas en reste non plus, puisque son look est particulièrement soigné et réussi. Chacune de ses apparitions fait grimper la pression de plusieurs crans. Un vrai méchant bien badass en somme.

Pour d'évidentes raisons de droits et de coûts, aucun morceau d'Elvis Presley n'a été utilisé dans la bande-son du film, mais ce défaut est compensé par un score franchement réussi. Brian Tyler offre à Bubba Ho-Tep un habillage sonore à la fois épique, touchant et fortement marqué par la poussière rouge du vieux sud. Parfait.

Bubba Ho-Tep, un classique instantané du cinéma de genre, une série B au budget ridicule (1 million de dollars), mais qui possède ce petit truc primordial qui manque à beaucoup de blockbusters, de la vie. De plus, c'est le meilleur film dans lequel Elvis ait joué...

mardi 21 janvier 2014

N°140 - CHRISTOPHE - Clichés d'amour - 1983


Clichés d'amour paru en 1983 est un album à part dans la discographie de Christophe, un album plaisir, un peu hors-série. Constitué uniquement de reprises, celui-ci baigne dans une ambiance nocturne et jazzy aux relents tenaces de films noirs. Christophe se montre particulièrement à l'aise vocalement, bien calé au milieu de son orchestre swing, il renaît en crooner désuet, tel un fantôme un peu absurde mais beau. Le classicisme de Clichés d'amour pourra surprendre les amateurs des oeuvres plus "évoluées" du chanteur, mais force est de constater que l'exercice de style est parfaitement exécuté.

"Dernier Baiser" nous transporte dans un film en noir et blanc, avec ce romantisme à l'ancienne qui sied parfaitement au beau bizarre. Tout en conservant ce qui fait le sel de ses albums "personnels", Christophe se fond dans le projet sans le vampiriser, c'est-à-dire avec classe et humilité. Chronique d'une nuit blanche, "La Nuit bleue" est un nouveau rêve de jazz vocal, tant au niveau de l'orchestration haut de gamme que de la voix du chanteur, tout ici n'est que perfection. "Danse Perfidia" c'est la femme fatale, la diablesse infidèle, la belle plante carnivore qui se trouve toujours au cœur de l'intrigue; encore une fois l'ambiance de polar noir est parfaitement restituée. Assurément un des sommets du disque. Avec "Arrivederci Roma", le dernier des Bevilacqua nous chante un voyage nostalgique au cœur d'une l'Italie toujours ensoleillée; une Italie de carte postale mais incroyablement belle. Le récital se clôt sur une superbe adaptation de "White Christmas" sobrement intitulée "Noël Blanc", les arrangements sont divins et Christophe s'en sort avec les honneurs. Rares sont les chansons de Noël en français jouissant d'une telle classe.

Clichés d'amour, un disque un peu oublié qui mérite sincèrement d'être redécouvert. Voilà qui prouve que le jazz vocal, tout comme le rock, peut aussi briller dans la langue de Molière

lundi 20 janvier 2014

N°139 - LES RITA MITSOUKO - Variéty - 2007


Pour leur ultime tour de piste, Catherine Ringer et Fred Chichin nous ont offert un bijou de simplicité et de beauté. Un album désarmant, jamais vulgaire et encore moins hautain, de l’orfèvrerie pop en somme. Si Variéty est sans aucun doute possible l'opus le plus accessible du groupe, cela ne l'empêche pas d'être d'une densité redoutable. Exit les égarements electro ou quasi hip-hop du passé, les Rita Mitsouko s'offrent un salutaire retour aux sources.

Quelques accords balancés avec simplicité et la magie opère déjà, "L'ami ennemi", comme par hasard est une entrée en matière parfaite. La mélodie qui virevolte sur des arrangements d'une grande classe, le petit solo de guitare saturée, l'harmonica dans le fond, absolument rien ne manque. Après cela "Communiquer d'amour" dérive vers un ailleurs plus vertigineux encore, de la musique en suspens au-dessus du vide, un brillant numéro de funambule. Vaporeuse et onirique, "Rêverie" porte bien son nom; cette chanson d'amour finalement assez banale se voit pousser des ailes sous l'impulsion de son habillage psychédélique. Power pop bizarre, "Rendez-vous avec moi-même" porte la patte déviante des Rita des débuts, de la variété dynamitée et éclatée qui frappe droit dans la fourmilière paresseuse de la normalité. Entre country & western standard et folk 2.0, "She's A Cameleon" voit Catherine et Fred se métamorphoser en formation sud-américaine à la fois dandy et bouseuse, un rêve. Bien entendu il y a "Ding Ding Dong (Ringing At Your Bell)", ce tube disco en forme de fable taillée pour les pistes de danse, absolument imparable.

Variéty, la dernière visite d'un groupe hors-normes, l'offrande terminale et gourmande de Fred Chichin. A noter que le disque existe aussi en version anglaise.

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