jeudi 31 janvier 2013

JSF #6: AC/DC - Black Ice - 2008

Thème du jour: A rebrousse poil

Défendre un album qui a cartonné, mais qu'on n'aime pas... Avec une bonne dose d'hypocrisie, cet exercice n'est pas bien compliqué. A vrai dire, les albums que je n'aime pas (souvent des cartons d'ailleurs), je ne m'emmerde pas à les défendre. J'aurais par exemple pu prendre n'importe quel disque de U2, ou de Metallica (jamais réussi à les blairer ces deux-là!) et tenter en vain de faire bonne figure, mais non. Pour moi, le pire qui puisse arriver, c'est d'être déçu par un album attendu. Huit ans d'attente pour être précis dans le cas de "Black Ice". Et le moins que l'on puisse dire, c'est que la déception fut à la hauteur de ce long silence. Je me revois encore en ce début d'automne, sautant dans ma voiture après le taf' pour filer vers le revendeur le plus proche. Je n'ai même pas mis le cd dans l'autoradio, non, je voulais mon écoute attentive au casque, sans bruits parasites, ni stress dû à la circulation. Sur le palier, j'ai croisé le proprio et un voisin, discussions vite esquivées, j'étais comme le lapin d'Alice au pays des merveilles: "Je n'ai pas le temps, je suis en retard, en retard, en retard..." Enfin seul! De mes doigts gourds je retire le cellophane protégeant le graal, un rapide coup d'oeil sur le livret, putain d'illustrations, mais photos nases, hum... mauvais signe? Casque branché, disque dans la platine, potard à onze, c'est parti !!!! Play It Loud!!! Et là, c'est le drame, la prod' est à chier, aucune puissance, nada! Ne cherche pas d'ou vient le vent, le brise molle se nomme Brendan O'Brien (déjà coupable de bouillie sonore chez le Boss). D'un coup, l'envie me vient de le suspendre par les couilles sur la place publique pour faire un foutue piñata de MERDE!!!

Avec tout ça, j'en ai presque oublié de défendre la chose; laissons agir la dissonance cognitive... "Rock N Roll Train", un train d'enfer plus rapide que n'importe quelle autoroute, hymne pour stade, imparable. "Big Jack", rien que le titre est un régal, le fantôme de Bon Scott plane, c'est sûr! Vite un poltergeist pour assommer Brendan! Sérieusement, il envoie sévère ce morceau! "War Machine", l'escadron est lancé, drop the bomb, j'attendais un F-22 Raptor, mais j'ai un vieux bi-plan. Toujours, la faute à cette foutue production qui manque cruellement de punch; putain même "High Voltage" claquait plus! Pardon, j'en oublie le thème du jour, je reprend; "War Machine", c'est une centaine de Spitfire qui vous ruinent la tronche!!! Mais l'avion se crache dans un orage de blues, "Stormy May Day", c'est la fin, Robert Johnson et le diable trinquent, des âmes (plus très fraîches, mais bon) à se mettre sous la dent. Indéniablement le meilleur titre de l'album, AC/DC cesse enfin sa comédie artificielle et joue une musique de son âge! Glace noire, verglas mortel, la voiture quitte la piste pour s'encastrer violemment dans le fossé! "Black Ice, Black Ice!!!" l'autoradio joue toujours, mais plus aucune trace des occupants...

A la réécoute, il n'est pas si mauvais cet album, il est plutôt bon même. Réduit à dix titres et avec le son de "Stiff Upper Lip" il serait même excellent.

mardi 29 janvier 2013

JSF #5: DAN AUERBACH - Keep It Hid - 2009

Thème du jour: L’échappée belle 

Aujourd'hui, nos devons nous atteler à la chronique d'un album en solo d'un membre d'un groupe. Mais pour corser le tout, le dit-groupe doit encore être en activité lors de la petite escapade. Nombreuses sont les échappées belles, souvent elles signent l'arrêt de mort d'une formation, la fin d'une ère. Parfois elles sont juste des récréations salvatrices. Dan Auerbach sans Patrick Carney, au début ça fait bizarre, il y a une telle fusion au sein des Black Keys qu'il semble vain de vouloir changer quoique ce soit. En 2009, le Duo d'Akron n'était pas encore devenu le plus grand groupe du rock du monde (ou presque). Pas de "Brothers", ni de "El Camino", deux chef-d'oeuvres à succès.

"Keep It Hid" commence doucettement avec le très folk "Trouble Weighs A Ton", une ballade puisant ses racines dans la plus pure tradition ricaine. On se plait à croire en un album acoustique. Mais dès "I Want Some More", l’électricité fait son retour, le son est lourd; le blues graisseux des Black Keys n'est pas loin. La route est toute tracée, un sentier poussiéreux et sec, Death Valley désertique. "Heartbroken, In Disrepair", en bon blues psyché, est un trip sous acide assez chargé, pas si éloigné des derniers ZZ Top. Dan Auerbach n'est jamais aussi bon que lorsqu'il quitte la voie limitée de son duo, avec "Whispered Word (Pretty Lies)" l'échappée devient vraiment belle. Cette chanson préfigure à elle seule ce que sera l'album "Brothers". Autre ballade splendide, "When The Night Comes" transpire les sentiments bruts, de la soul blanche magique; la nuit est douce, le ciel est clair, à la belle étoile en amoureux. C'est précisément sur ce genre de morceau que l'album solo prend tout son sens, quand il ne recrée pas bêtement en moins bien ce que fait habituellement le groupe. L'album se referme sur "Goin' Home" dont la sonorité n'est pas sans rappeler les grandes heures de Taj Mahal, Ol'Folk jusqu’à l'os, doux comme un matin de printemps.

Assez différent d'un disque du duo tout en en possédant l'ADN, "Keep It Hid" est un bon complément pour qui souhaite pousser un peu plus l’expérience Black Keysienne.


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dimanche 27 janvier 2013

JSF #4: M.I.A - Maya - 2010

Thème du jour: Hangover Sound

Avant d'en arriver à la gueule de bois, il faut bien qu'il y ait eu excès. En clair, une bonne soirée passée en compagnie de Mr Jack D., Jim.B ou encore avec la vaporeuse Marie-Jeanne, cette verte Poison Ivy. Trop, trop vite, un verre, puis deux, un joint, musique trop forte, un autre verre puis encore un autre, black out, cuvette de chiotte, un joint, un verre, voiture, fossé, black out, cuvette de chiotte et ainsi de suite. Si bien que le lendemain on ne se souvient plus de grand chose, quelques flashs violents et à nouveau cette sempiternelle cuvette de chiotte.

Soyons clair tout de suite, la musique je l'adore quand je fais la teuf' (ou la java pour les plus anciens, je connais vos âges maintenant), et cet album est un catalyseur de Hangover en devenir. Du cyberpunk utra-jouissif, du rock taliban explosant tout sur son passage, attentat à la bouteille piégée. Tronçonneuse, perceuse, electro-bruitiste, cette soirée sera une boucherie et "Steppin Up" ouvre glorieusement les hostilités. M.I.A réussit le tour de force d'amener des mélodies mainstream dans cette furia punk, parfois outrageusement dancefloor comme sur "Xxxo", mais toujours de manière ludique et insolente. Plus loin, "Born Free" sort Suicide et son "Ghost Rider" du CGBG pour les traîner à toute blinde accrochés à la moto enflammée du Ghost Rider de Marvel. Le clip "anti-roux" réalisé par Romain Gavras avait créé la polémique; l'ensemble formait un tout indispensable, diablement moderne. "Born Free" est une bombe atomique sonore sans concessions. "Maya", un album toxique et violent, synthétique mais jamais artificiel, assurément un grand disque.

Et le lendemain de cuite dans tout ça? Partagé entre la vie et la mort, c'est le silence qui est de rigueur, désolé.

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vendredi 25 janvier 2013

JSF #3: TOM WAITS - Swordfishtrombones - 1983

Thème du jour: Happy Birthyear


Un thème bien déloyal aujourd'hui. D'un seul coup, je regrette de ne pas être né en 1967, 1969 ou encore 1977, j'aurais eu l'embarras du choix. Car oui, en musique comme dans tout autre domaine, il y a des années avec et d'autres sans. Et j'ai bien l'impression que 1983 soit une année sans. Il y a bien "Dada", mon préféré du Coop', mais celui-ci, je l'ai déjà chroniqué il y a fort longtemps; ou encore quelques skeuds d'un Rap en pleine croissance, mais pas de quoi se taper le cul par terre non plus. Bon j'arrête de protester, car j'ai tout de même dégoté une oeuvre cruciale, tant pour son auteur que pour toute cette sordide décennie.

"Swordfishtrombones" marque une rupture dans la carrière de Tom Waits. En fait, plus qu'une rupture, c'est une véritable métamorphose; exit le clochard-bohème-poète et poivrot des débuts vomissant un jazz-beat bavard pour oiseaux de nuit. Aussi riche et belle que fut cette première période, il fallait que les choses bougent. "Heartattack And Vine" paru trois ans plus tôt était le signe avant-coureur de la lycanthropie du père Waits, qui sur ce coup lorgnait carrément du côté de Screamin' Jay Hawkins. Il lorgnait même si bien, que le hurleur en personne y alla de sa reprise. Mais ceci n'est rien en comparaison du choc qu'est "Swordfishtrombones", l'album qui marque le commencement de la seconde (et actuelle) période du monsieur. Bruitiste, foutraque, énervée et ironiquement belle, un peu comme si Captain Beeheart s'était noyé dans un bouteille de Whisky.

Percussions  d'ossements, guitare rêche et grognements, les sons qui s'échappent du chapiteau sont inquiétants. Un Mr Loyal débraillé nous invite à entrer. Comment résister? "Underground", "Shore Leave" et "Dave The Butcher", c'est le freak show, du rock 'n' roll Barnum! La fanfare défile fièrement dans la poussière et la rouille, dans ce brouillard tenace toute cette crasse se transforme en or. "In The Neighbourhood", c'est la ballade ultime, une recette que Tom Waits connait sur le bout des doigts, il en pond aussi facilement que Keith Richards dégaine un riff!


mercredi 23 janvier 2013

JSF #2: SNOOP DOGGY DOGG - Doggystyle - 1993

Thème du jour: Bubble Cover

Aujourd'hui, il faut chercher des bulles sur les pochettes de disques. Une idée bien étrange. Le mot bulle me ramène immédiatement aux phylactères, conséquence d'une vie partagée avec une maniaque de bandes dessinées. Le 9ème art en bandoulière, je décide donc de plonger dans ma discothèque à la recherche de la fameuse pochette. Et celle du premier album de Snoop (Doggy) Dogg est pile dans mes critères. Avantage supplémentaire, elle transpire le bon goût. Un truc typiquement 90's. Qu'on se le dise, car ce n'est pas évident aujourd’hui, Snoop Dogg fut un grand rappeur et l'un des pères fondateurs du G (pour gangsta) Funk. Cet album est d'ailleurs le second volet d'une trilogie magnifique qui débuta en 1992 avec "The Chronic" de Dr Dre et se referma l'année suivante avec "Regulate" de Warren G.

"Doggystyle" est une pierre angulaire du rap U.S, très loin des bouses actuelles en duo avec l'horrible David Guetta. Ici le son est élastique, d'une rondeur extraordinaire, la filiation avec le P-Funk de Parliament est évidente. "Gin And Juice" est un symbole du cool, très laidback avec ce flow typique dont Snoop Dogg possède le secret. Et puis le disque contient cette tuerie qu'est "Who I Am (What's My Name)?", un truc si diablement funk que c'en est indécent. Bien sûr, tout cela est foutrement ego-centré, visiblement Snoop Dogg aime beaucoup son nom, il le répète à longueur de temps. L'album n'est pas dénué d’humour non plus, bourré d'interlude plus fendards les uns que les autres. Le dosage entre frime et humour est parfait, jamais par la suite le rappeur ne retrouvera la formule magique.

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lundi 21 janvier 2013

JSF #1: THOSE SHOCKING SHAKING DAYS - Compilation

Thème du jour: Protest album

C'est lundi, il faut partir bosser et ça, c'est pas cool. On peste, on râle, toutes les raisons sont soudainement bonnes pour faire la grève. Ce qui nous amène tout droit au thème du jour, la protestation. Merci Charlu pour ce cadeau empoisonné. Car trouver un bon protest album n'est pas une chose aisée, il faut que le propos soit convaincant, que le dosage entre musique et revendication soit juste. Bref, il ne faut pas sombrer dans les méandres de la démagogie. Un exercice périlleux tant pour l'artiste que pour le chroniqueur parti à la recherche de la fameuse perle rare.

Il est facile, voire inoffensif, de donner son opinion ou de s'élever contre le pouvoir dans un état libre. Les risques sont limités. Mais dans certains endroits reculés du globe, le seul fait de faire de la musique peut se révéler très dangereux. Et c'est là tout l’intérêt de cette compilation, en plus de la qualité musicale, cela va de soit. Concrètement nous avons droit à du rock psychédélique et progressif Indonésien datant des années 70, le son est très roots. Dépaysement garanti. Stricto sensu, toutes les chansons ne sont pas engagées dans leurs propos, mais leur existence-même est un acte militant. C'est ce qui fait toute la différence. Risquer sa vie pour la musique, c'est de la protestation pure. Le dictateur Suharto et sa terrible "censure" guettent.

La compilation tient son titre du morceau du même nom, une folie interprétée par Ivo's Group. Intensité proche de Bob Marley et guitare aérienne. Magique. The Gang Of Harry Roesli donne quant à lui dans un rock lourd et psyché, avec un "Don't Talk About Freedom" qui se passe d'explication. Le tout fortement inspiré par Iron Butterfly et Grand Funk Railroad. Parfois l'influence est plus noire Américaine, flirtant avec la soul et le funk, "Saman Doye" des Black Brothers est un bel exemple. Encore une fois le label Now Again a fait un superbe boulot, d'utilité publique qui plus est.


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samedi 19 janvier 2013

I AM KLOOT - Let It All In


Il y a des groupes comme ça, avec lesquels on accroche tout de suite, pour ne plus jamais les lâcher. C'est précisément ce qui m'est arrivé avec ce petit trio de Manchester. La rencontre fut arrangée, je dois bien l'avouer. L’intermédiaire, un sampler de Rock & Folk, la chanson "From Your Favorite Sky" tirée du second album éponyme. Entre nous, ce fut le coup de foudre. Jamais le groupe ne m'a déçu par la suite, et ce n'est pas aujourd'hui que ça va commencer, car disons-le tout de suite, "Let It All In" est une merveille. Oui monsieur, et je le dis en toute objectivité! Une nouvelle fois produit par les petits gars d'Elbow, un autre grand groupe relativement méconnu, ce sixième album studio de "Je suis couille" possède une patine sonore juste magique. Un son chaud et rond comme on en fait plus, ou très rarement.

Dès les premières notes de "Bullets", on a l'impression de retrouver un vieux pote, pas de grands chamboulements, nous sommes en terrain connu. Une ballade un brin jazzy et les choses se mettent en route toutes seules. Si le précédent opus était franchement intimiste, "Let It All In" se laisse aller ici et là à quelques envolées théâtrales. Ainsi, le premier single "Hold Back The Night" n'aurait pas fait tache au générique d'un James Bond. Mais ces prétentions orchestrales sont contre-balancées par des morceaux plus pop, comme ce "Shoeless" frisant la perfection. "Let It All In" est un album multicolore, virant même psychédélique avec l'indescriptible "These Days Are Mine", un peu comme si Michel Magne composait la b.o d'un film bollywoodien. Un trip en Technicolor qui colle assez peu avec l'image du groupe, mais qui offre une bouffée d'air salvatrice. De quoi élargir le champ des possibles pour les futures livraisons du trio.

Même si, pour être tout à fait franc, l'album semble être un cran en dessous de "The Sky At Night" ou "Gods And Monsters" (faudra vérifier cela après plusieurs écoutes), I Am Kloot nous livre une copie quasi parfaite qui enrichit un peu plus leur belle discographie. Toujours pas de couilles dans le potage!

vendredi 18 janvier 2013

JSF saison 5, la liste des participants.



Comme vous le savez sans doute, le 21 janvier débutera la 5ème édition du Jeu sans frontières des blogueurs mangeurs de disques. Mais aujourd'hui, la liste des participants a enfin été dévoilée. Pour la connaître, je vous invite à vous rendre chez Jimmy.

dimanche 13 janvier 2013

DRIVE MY CAR, rock motorisé.


Odeur de skaï et de super plombé, le rugissement du V8 fait trembler les murs, la Shelby Cobra 427 sort de son écrin et laisse une gigantesque traînée de gomme calcinée sur la route. Le rock et les bagnoles sont intimement liés. Des chansons pour la route par milliers, mais surtout un petit paquet évoquant directement les voitures et parfois même, des modèles bien précis. Prêt pour un petit tour de piste?

C'est en réécoutant un vieil (forcément) album de Dick Dale, "Mr Eliminator" pour être précis, que j'ai eu l'idée de cet article, une évidence. A une certaine époque, beaucoup de Surf-rockers ont délaissé les planches pour des bolides sur-vitaminés. En 1963, les Beach Boys ont publié "Little Deuce Coupe", un album emblématique du genre. Plus aucune trace de surf dans les compositions des garçons de plage, place aux belles mécaniques. "Cherry, Cherry Coupe", "Custom Machine" ou encore "Little Honda", des titres qui transpirent l'huile de vidange et le chrome. Et puis, une grosse bagnole est un symbole de virilité, d'autant plus si elle possède un "énorme" Flaming! La même année Dick Dale a lui aussi sorti son album "hommage" aux voitures, mais sur un ton plus sauvage. "Checkered Flag" contient son lot d'hymnes motorisés, "Surf Buggy", "Hot-Rod Racer" ou "426-Super Stock", tout cela fleure bon la course de rue. Toujours en 1963, les Marketts ont lâché un "Take To Whells" entièrement dévoué aux Shelby Cobra et autre Corvette Sting Ray. Chuck Berry fera même s'affronter l’Amérique et l'Angleterre dans un duel au sommet avec le mythique "Jaguar & Thunderbird". Mais, quand les Beatles chantent "Drive My Car", on a des doutes sur le propos de la chanson, si cette fille va bien tâter du levier de vitesse, pas sûr que ce soit celui d'une Aston-Martin.

Le culte de la voiture ne se limite pas aux seules années soixante, certes aujourd'hui peu de groupe oseraient sortir un album entier dédié à l'automobile, à part peut-être pour vanter les mérites d'une voiture électrique. Quoi? Quelqu'un l'a fait! Mais qui? Ce sacré Neil Young bien entendu, avec un "Fork In The Road" de sinistre mémoire. Non pas que le disque soit vraiment mauvais. Mais honnêtement, qui irait s'enfiler dix chansons causant d'une même caisse branchée sur le secteur? Je n'ai rien contre les voitures électriques, mais avouons que le concept-album est foireux. Les premiers disques de Springsteen sont également bourrés de références aux Muscle-Cars et autres courses de rue. Mais le jeune Bruce recherche surtout la liberté, et la voiture en est la clé. Toujours ce même combat en somme, la LIBERTÉ, en cela le rock et les bagnoles sont une utopie!

Destination finale, l'enfer! A tombeau ouvert, le rocker file, poursuivi par la faucheuse. Que ce soit un tueur sur la route, "Riders On The Storm", ou un fantôme, "Road To Hell", le résultat reste le même et l'issue sera fatale. Le lien entre l'homme et la machine est plus complexe qu'il n' y parait. Fascination mêlée de dégoût, parfum de danger. Destins brisés, Marc Bolan, Eddie Cochran, Duane Allman (moto) et tant d'autres. Le Spyder Porsche 550 est surtout devenu célèbre grâce, ou à cause, de l'accident mortel de James Dean, son Little Bastard portait finalement bien son nom.

Un dernier exemple pour la route. La description sublime faite par Gainsbourg au début de "Melody Nelson" de sa Rolls Royce Silver Ghost de 1910 et de ses 26 chevaux vapeurs. L'attirance est sexuelle, la beauté des courbes du Spirit Of Ecstasy qui orne le réservoir de la bête obnubile tant le narrateur qu'il percutera cette jeune fille qui le conduira à sa perte. Rien n'est jamais facile et l'homme est toujours perdant.

samedi 12 janvier 2013

N°89 BABY GRAMPS AND HIS BACK SWAMP POTIONERS - Baptized On Swamp Water - 2006



Attention, voici un alcool frelaté fait maison qu'il est préférable de ne pas mettre entre toutes les mains, sous risque de delirium tremens. En effet, goûter à la potion du marécage noir, c'est risquer de choper un sort vaudou dans la minute, il y a quelque chose de pas naturel dans cette décoction. "Baptized On Swamp Water" est un vibrant hommage à la riche culture de la Nouvelle-Orléans. Le son est roots, le folk pratiqué par cette bande de joyeux barbus est hors du temps, brut et ancestral. Enfin, aussi ancestral que peut l'être la musique américaine...

"Night Bloomin' Jazzmen" installe l'ambiance, forcément marécageuse; le morceau se construit sous nos yeux, déployant peu à peu ses tentacules. La voix sonne comme du Tom Waits acide, effet garanti. Plus folk, "Magnolia Blossoms In The Breeze", bien que composé par Baby Gramps, semble appartenir depuis toujours au répertoire de la Nouvelle-Orléans; un traditionnel instantané en somme. Par la suite, les choses prennent une tournure plus bizarre, "Goblin Fruit" inquiète autant qu'il intrigue. Il y a de la magie noire là-dessous. Ce qui n'est pas sans rappeler le "Gris-Gris" d'un célèbre Docteur. Déjà bien embrumé, voilà que l'on nous tend une bouteille de "Bougainvillea Vine", comment résister? La vision se fait plus trouble, gare à ne pas tomber dans les crocs des alligators ou des zombies. Visiblement les sorciers se sont invités à la fête, d'étranges rituels se trament devant nos yeux hallucinés. S'en suit une série de trad' interprétée de façon boueuse, puis c'est l'apothéose, "Back Swamp Potioners", le dernier morceau achèvera de vous mettre en transe. La longue introduction quasi-méditative vous plongera dans un état second, avant que l'enchanteur ne donne de la voix. Le grand sorcier blanc vous enverra au plus profond du Bayou pour un rite initiatique. Oui, "Baptized On Swamp Water" est bien le cousin péquenot du premier album de Dr John, n'y voyez là rien d'insultant. Car le côté "clochard  céleste" du chanteur est un régal. C'est un peu comme si Dylan alors débarrassé de son encombrante aura allait enregistrer un disque sans aucun arrangement. The Real Stuff...


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mercredi 9 janvier 2013

N°88 SERGE GAINSBOURG - Rock Around The Bunker - 1975


Chroniquer un album de Serge Gainsbourg, c'est un peu comme chroniquer un classique des Stones ou des Beatles, c'est très périlleux. Tout a déjà été dit, que rajouter de plus? Mais surtout, on avance en terrain miné, une horde de fans en embuscade, prête à ouvrir le feu à la moindre erreur. Faire fi des risques. La carrière du grand Serge est assez paradoxale, jonchée de réussites commerciales et d'échecs cuisants. Des chansons mineures interprétées par d'autres ou parfois lui-même ont connu un succès fulgurant, alors que ses albums concepts, sommets de raffinement, n'ont que très peu fonctionné lors de leurs parutions. Bien sûr, aujourd'hui "Melody Nelson" est considéré comme un chef-d'oeuvre, mythique même chez les anglo-saxons et vendu en masse, mais cela n'a pas toujours été le cas. Lors de sa sortie en 1971, l'album fit un flop. Augmentant encore plus l'amertume de son auteur. Tout était tellement avant-gardiste chez Gainsbourg, trop évolué, le populaire Gainsbarre (la bête de foire) n'avait pas encore fait son apparition, le reggae non-plus. Les succès du jour se nomment "Sea, Sex and Sun" ou "L'ami Couette", pas des splendeurs, mais faut bien croûter. Si l'on peut s'étonner de l'insuccès d'oeuvres tels que "Melody Nelson" ou "L'homme à tête de chou", celui de "Rock Around The Bunker" semblait inévitable. Faire un album concept sur la seconde guerre mondiale et plus particulièrement l'Allemagne Nazie, il n'y a que Gainsbourg le provocateur pour oser (et les Residents l'année suivante avec "The Third Reich 'n' Roll").

Sur le plan strictement musical, "Rock Around The Bunker" est purement Rock 'n' Roll, moins ambitieux qu'à l’accoutumé. "Nazi Rock", allitération fantasque pour sujet difficile, le morceau est efficace, le Messerschmitt prend son envol. Sur le même modèle, "Tata Teutonne" pousse la provocation encore plus loin, scato, sexuelle, mais jamais vulgaire. "Eva" émascule Adolf Hitler, l'impuissance du dictateur le tourne en ridicule, à ce niveau du disque, il ne fait aucun doute que celui-ci est la revanche du jeune Lucien Ginsburg. L'écriture est remarquablement acérée, les textes ne souffrent pas encore de la paresse d'un Gainsbourg/barre trop sûr de lui. "Est-ce est-ce si bon", jeux de mots foireux et provocation outrancière, mais quelle classe! Le morceau-titre est l’achèvement, l'inévitable chute du Reich, Gainsbourg jubile. Bien qu'au final, les "Hommes de pailles" ne s’en sortent pas si mal, "SS In Uruguay", sous sa fausse légèreté, dresse un constat amer. La force de "Rock Around The Bunker" est d'être à la fois dansant, provocateur, profond et beau. Pas le plus grand disque de Gainsbourg, mais le plus atypique.

Pareil album est-il encore concevable aujourd'hui?


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mardi 8 janvier 2013

N°87 ETIENNE DAHO - L'invitation - 2007


Dans son Petit livre du rock (ouvrage Bdèsque que je vous conseille vivement), Hervé Bourhis classait "Eden" dans la liste de ses plaisirs coupables; mais pourquoi coupable? Je ne comprends pas ce mépris. Etienne Daho est tout de même ce qui se fait de plus classe dans la pop française, ou presque. C'est raffiné au-delà de la raison, musicalement très sûr, et sa voix a beau être souvent moquée, elle possède la nuance de l'élégance. A ce stade, que demander de plus? Des grandes chansons? Ses albums en sont remplis! Etienne Daho fait partie de ces rares artistes qui se bonifient avec l'âge, plus sa carrière avance, plus ses disques sont imposants. Suivant cette logique, il n'est pas étonnant que "L'invitation", son dernier album original en date, soit un de ses meilleurs. Une nouvelle fois, celui-ci est produit par Edith Fambuena des Valentins, à qui l'on doit également le splendide "Fantaisie Militaire" de Bashung.

"L'invitation", le morceau-titre, nous convie dans cet univers à la fois léger et lourd, chargé de sensualité et de sexe cru. Les compositions qui jonchent ce disque sont d'une limpidité désarmante. "Cet air étrange" pourrait bien être le titre pop parfait, à moins que le trophée ne revienne à "Les fleurs de l'interdit". Il est entendu que Daho ressasse sans arrêt la même histoire, la même rupture, la même peine amoureuse. Mais n'est-ce pas là le propre du poète, refaire sans arrêt la même chanson? Parfois, il arrive que la rupture ne soit pas liée aux amants, la blessure peut être bien plus profonde. Celle du père absent jamais ne se referme. Sur ce point, l'autobiographique "Boulevard des Capucines" est bouleversant. La poésie excentrique de Brigitte Fontaine s'invite sur "Toi, jamais toujours", amour à nu, entre cruauté crasse et dévouement sans limites; les amants ne sont-ils pas constamment en guerre? Un parfum délicieusement 60's flotte au-dessus de "La vie continuera", la mélodie est divine. L'album se referme avec une merveille, "Cap Falcon" est un nectar délicieux qui s'offre progressivement sur un lit de rose. Le refrain se déploie lentement comme un spectre drapé qui bientôt recouvrira tout de son ombre.


vendredi 4 janvier 2013

N°86 FLEET FOXES - Fleet Foxes - 2008


Bien incapable je serai, de vous dire ce qui rend cet élixir si envoûtant. Peut-être sont-ce les lourdes brumes de la sombre forêt, peut-être est-ce la voix enchanteresse du barde (Robin Pecknold, probablement la plus belle voix du folk actuel)? Mais le doux poison concocté par Fleet Foxes est magique, un accélérateur de perception qui bouleverse les sens! Rarement disque récent ne m'a donné autant de sensations, et je me fous royalement des grincheux qui n'y voient qu'une pâle redite de CSN&Y. Ne peut-on plus faire de rock boisé sans être taxés de suiveurs? Pour être franc, jamais "Déjà Vu" ne m'a fait autant d’effet que ce premier LP des Fleet Foxes. La touche féerique.

Ode au matin, le peuple de la grande forêt chante sa gloire au soleil hivernal; "Sun It Rises", divine ouverture, la plus belle des invitations. Ensuite, ce sera "White Winter Hymnal" qui réchauffera le corps et l'âme du voyageur égaré, les notes résonnent sur les branches des arbres, les dernières feuilles n'en finissent plus de tomber, mais gare, le givre s'installe déjà. La chaleur d'un feu, la maison est paisible ("Quiet House"), dehors les éléments peuvent bien se déchaîner, tout cela semble bien irréel quand la quiétude nous enveloppe. "He Doesn't Know Why", effectivement le secret est bien gardé, il se cache au coeur de la forêt que personne ne regarde guère plus, faute de temps. Du temps, voilà ce que nous offre Fleet Foxes, un moment hors du temps. Un voyage qui parfois nous élève très haut au-dessus des cimes, "Your Protector" est une course vers la lumière, épique. En guise d'au revoir, le barde frappe sur sa guitare et ne cesse de mentionner le nom d'un certain "Oliver James".

Le second album du groupe "Helplessness Blues" est tout aussi bon, sinon meilleur, peut-être plus difficile d'accès. Les grandes oeuvres ne s'offrent pas si facilement au premier quidam venu! Il contient un titre démentiel du nom "The Shrine/An Argument", qui fort de ses huit minutes est un véritable périple en terre inconnue. Les disques de Fleet Foxes rendront immédiatement insipides neuf albums de Folk moderne sur dix, une catégorie souvent plus boueuse que boisée.