lundi 29 avril 2013

N°102 RICHARD HAWLEY - Truelove's Gutter - 2009


Cet album possède un pouvoir magique, celui de jouer avec l’élasticité du temps perçu jusqu’à ce que celui-ci lui-même disparaisse. Richard Hawley est un crooner mystique, une créature chimérique, sorte de croisement improbable entre Jarvis Cocker et Elvis Presley. A la fois raffinement British et cuir noir rockhab'. La musique que déverse "Truelove's Gutter" est douce, éthérée, suprême; ne demeure que la quintessence d'un genre hybride, à la fois pop et 50's, comme sortie d'un monde alternatif. Sous certains aspects cette musique est aussi incroyablement extrême, de part son absence de concessions. Richard Hawley utilise très peu de percussions ou de batterie sur ce disque, laissant les morceaux se déployer dans un flottement étrange.

Du matin anglais, lourd et pluvieux s'échappent des sons magiques, juste quelques notes sur une guitare, des arpèges simples accompagnant une voix profonde vers les courbes floues de la beauté. Dès "As The Dawn Breaks", le ton est donné, l'ambiance posée et l'auditeur happé vers l'univers si particulier de Richard Hawley. "Open Up Your Door" est plus classique mais d'une classe redoutable, de la pop-crooner conçu pour un Las-Vegas qui ne serait pas rococo. "Ashes On The Fire" quant à elle est un fantasme Elvisien intense, une mélodie qui vous arracherait le coeur si elle le pouvait, un doux poison. Ce poison c'est l'encre des lettres écrites mais jamais envoyées faute de courage et qui finissent en cendres dans un grand feu une nuit de déprime. Douceur vénéneuse encore, "Remorse Code" s'étend sur près de dix minutes, mais semble n'en durer que trois, le tout sans solo alambiqué ni gimmick bizarre; chamanique! Une guitare grave puis une voix perdue dans la nuit, "Don't Get Hung Up In Your Soul" est un rubis égaré au milieu de la poussière, la scie musicale offre le surplus d’étrangeté qui fait la différence. L'album se referme avec ce fantasme auditif qu'est "Don't You Cry", une très longue ballade qui joue avec les aiguilles de l'horloge pour vous envoyer ailleurs, dans un endroit hors de l'espace-temps, une quatrième dimension sonore, onirique et embrumée.

"Truelove's Gutter" est un classique instantané sur lequel le temps n'a pas d'emprise, les multiples écoutes n'érodent pas sa beauté presque intolérable.

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samedi 27 avril 2013

N°101 BLACK SABBATH - Paranoid - 1970


"War Pigs", le Vietnam encore et toujours, le groupe frappe fort avec ce thème si cher à la scène "flower power", mais Woodstock est bien loin, Altamont a sacrifié le rêve par le sang. Black Sabbath tout en en conservant l'esprit pousse la provocation ailleurs, dans une lourdeur de bombardier. "War Pigs" était le titre initialement prévu pour l'album, mais la frileuse maison de disques en décida autrement. Inutile d'ajouter une controverse de plus au palmarès déjà conséquent de ce band gratiné. S'en suit le quasi-punk "Paranoid" expédié dans une urgence démoniaque, simple, efficace, rapide, légendaire. "Planet Caravan" plonge dans les arcanes de la psyché, voix lointaine, douceur d’entrelacs de basse et de guitare portées par un tapis volant de percussions arabisantes. L'odeur de la weed qui grille sous son fourreau de papier gommé monte tranquillement au nez. Mais l'homme de fer débarque et pousse les potards à onze, riff lourd comme le plomb, rythmique éléphantesque et voix d'outre-tombe, le cocktail stoner ultime. Plus loin, le changeant "Hand Of Doom" est un cousin malade et schizophrène de "Love Like A Man" de Ten Years After, alternant entre douceur et furie; ce titre s'offre le luxe d'être ostensiblement prog' sans être chiant. "Fairies Wear boots", fondamentalement, ce dernier morceau reste du blues mais émanant directement des enfers. Ici nous n'avons pas affaire à un quelconque bluesman vendant son âme au croisement, pour en obtenir du talent. Avec ce titre, c'est le diable lui-même qui crache le son au travers de l'inferno. L'hymne de la traversée du Styx.

"Paranoid" est un album charnière dans la carrière de Black Sabbath, peut-être leur meilleur, mais c'est aussi le dernier qui possède les gènes d'une certaine forme de rock sixties. Dès le suivant, "Master Of Reality", le gang d'Ozzy offrira au monde ni plus ni moins que le rock stoner dans sa forme finale. En 1971!

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mercredi 24 avril 2013

N°100 SVINKELS - Bons pour l'asile - 2003


Le Svink c'est chic, comme un dessous (chic) souillé, comme un ben un peu louche, comme un punk qui n'a pas de crête. Gérard Baste, Nikus Pokus et M.Xavier ne font pas dans la dentelle mais plutôt dans le hard amat'. Du hip-hop qui défouraille sévère, comme un skeud des Beastie Boys, mais déblatérant en frenchouille. Et parlons-en des textes, souvent fendards mais toujours ciselés à l’extrême, balancés dans un flow démentiel et ininterrompu sur des instrus à réveiller les morts. Svinkels c'est du rap sans concessions qui ne drague pas les auditeurs de skyrock à grand renfort de refrains qui chialent et de featuring mainstream. Le Svink c'est du beat gras, du riff gras, des paroles grasses et de la bouffe grasses. Vous voilà prévenus.

"Ça recommence" ouvre les hostilités, comme pour mieux nous mettre en garde de la furie à venir; jeux de mots foireux et beat lourd, déjà les règles sont posées. Le ping-pong vocal que nous offrent les trois larrons rappelle indéniablement les Beastie Boys. Juste après, le dansant "Le Svink c'est chic" mettra le feu au dancefloor white-trash à grand renfort d'alcools forts, encore une soirée qui va finir dans la cuvette des chiottes. "De la came sous le saphir" et "Ça ne sert à rien" forment une leçon de slip-hop deluxe, du haut de gamme qui rivalise carrément avec les ténors anglo-saxons du genre! "Dizy qu'il est fini" hausse encore le ton, un uppercut bien sévère envoyé dans la gueule de la pseudo-concurrence, de celle qui rappe sous vocoder avec une pouffiasse au micro. Avec "Le Corbeau", inspiré du film du même nom, les Svinkels lâchent un peu la gaudriole et nous livrent un chef-d'oeuvre fleuve de près de six minutes. Dans le même genre, "Internazionale" tire à boulet rouges sur les fachistes de tous bords. Jamais démago dans leurs colères, les trois MC balancent des brûlots bien chauds qu'ils crachent à la gueule de la vermine ordinaire...

"Bons pour l'asile" est grandiose de bout en bout, pas une seconde de trop et pourtant le skeud fait le tour du cadran. Malheureusement le groupe peinera à réitérer l'exploit avec l'opus suivant "Dirty Centre", qui malgré de très bons moments donnera un peu trop dans l'auto-parodie.

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dimanche 21 avril 2013

PSYCHIC ILLS - One Track Mind


Psychédélisme feutré, cool jusqu'au bout du médiator, traînant sa hargne alangui dans un brouillard blanc et enveloppant, volutes d'herbes montantes vers des cieux peu cléments, odeur de fleurs en flamme dans le matin narcotique. Bon j'arrête là l'onirisme à deux balles, je vire les oripeaux textuels vains pour vous causer d'un récent album un brin embrumé qui m'a littéralement mis sur le cul de part sa coolitude absolue et sa douceur faite de rage contenue. Un disque à la croisée des chemins, entre un Spacemen 3 et un Black Angels, le tout en moins frimeur!

"One More Time" s'échappe doucement des enceintes pour enfumer le cerveau d'un auditeur déjà acquis, son acoustique ossature charme comme une gracile danseuse. "See You There" plonge plus profond dans les tréfonds de la psyché, sombre et claustrophobique mais qui jamais ne sature. Chez les cramés de Psychic Ills on entraîne le quidam égaré dans un délire acide, mais toujours en douceur. Plus loin "Depot" durcit encore un peu plus le ton, mais qu'importe, le voyage peut bien être de plus en plus chaotique, il n'y a plus rien d'autre à faire que de se laisser aller, porté par cette vague incessante de musique mouvante. "FBI" se pose en échos déformé de "One More Time", structure aléatoire et visions absconses de neurones rongés par l'acide. Retour à la clarté estivale avec "City Sun", les couleurs sont à nouveau audibles et les sons visibles. "Western Metaphor" est un duel au soleil de deux cow-boys plus chargés qu'une armée de hippies ou de Jamaïcains bouffés par une chaleur tropicale. Les yeux sont rouges et la sueur coule le long de leurs fronts souillés par le sable dévorant, les vautours rôdent déjà, mais cette viande est contaminée! Fin de trip, "Drop Out", que ce voyage fut étrange, difficile de réellement émerger après cela! Le fantôme du 13th Floors Elevators période "Easter Everywhere" plane sur cette galette.

Soyons clair, "One Track Mind" ne réinvente pas le buvard de L.S.D, mais quel régal. Des disques psychés de cette trempe, il n'en tombe pas un tous les jours.

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jeudi 18 avril 2013

DIDIER WAMPAS & BIKINI MACHINE - Comme dans un garage


Alors que le monde entier, que dis-je, l'univers dans sa grande intégralité attendait un nouvel opus des fantastiques Wampas, le trublion en chef revient accompagné des Bikini Machine. "Comme dans un garage" fut enregistré comme dans un garage au studio Toe Rag en deux semaines seulement, et entièrement en analogique mon bon monsieur! Aucun ordinateur n'a donc été blessé durant cet enregistrement. Mais concrètement quoi c'est qui change entre un skeud de Didier avec les Bikini et un skeud de Didier avec ses Wampas? Bah, pas grand chose, c'est juste moins punk! Bikini Machine offre à Monsieur DW un écrin yéyé-rock jerkisant dans les sixities sous le soleil de Saint-Tropez. Musicalement c'est à la fois désuet et super classe; lorgnant parfois vers le surf des origines, période "Les Wampas vous aiment"!

Ça démarre fort avec un "Viré de Skyrock" de tous les diables, qui comme son nom l'indique ne sera pas diffusé sur Skyrock, il n' y a pas tromperie sur la marchandise. Suivi de près par l’inénarrable "Le Disco ça pue", un titre qui se passe de commentaire, tout est dit, c'est un peu expéditif et radical, mais pas forcément faux. Encore que, il y a du très bon disco... Poursuivons notre plongée dans l'étrange avec "La ville s'appelait Rodolphe", un rock punky un brin psyché, c'est dans ses moments-là que Bikini Machine brille, leurs arrangements toujours justes étoffent sacrément les compositions ultra-basiques de Monsieur Wampas. Douce sonorité, quasi-Velvetienne, "Virginie" ballade son tempo d'une autre époque dans un souffle analogique plein de vie. Voyage. "Si tu me quittais des yeux" est une reprise/hommage à l'ami Jean-Luc Le Ténia qui a malheureusement quitté cette terre en 2011. Le morceau est magique et l'interprétation grandiose, des bouts de rien qui prennent aux tripes. L'album se clôt avec un hymne country-rock-punk qui résume bien le propos, la raison d'être de tout amateur de zik, "Tant qu'il y a du bruit (y a de l'espoir)"; tout est dans le titre.

Si "Comme dans un garage" n'est absolument pas un chef-d'oeuvre, il n'en demeure pas moins un putain de disque rock, ce qui ne court pas les rues dans notre bon pays!

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lundi 15 avril 2013

BOMBINO - Nomad


Depuis qu'il possède son propre studio à Nashville, Dan Auerbach se fait plaisir en produisant énormément. Que ce soit des groupes garages comme Hacienda (ce qui n'est pas étonnant de la part d'un mec qui a débuté en enregistrant des disques dans sa cave), ou des gros pontes du rock tel que Dr John, le chanteur-guitariste des Black Keys est partout. Hyper-actif et baroudeur, le mec a même produit le second album international du Touareg Nigérien Bombino, et c'est peu dire que la réussite est totale.

Démarrage en trombe avec "Amidinine", un blues lourd et sec qui laisse entrevoir en son coeur les origines de tout un siècle de musique. La guitare mène le jeu; très typée nord-africaine, celle-ci embarque dans son sillon une section rythmique semblant sortir tout droit d'un skeud des seventies! Un chant dans le désert, un chant rebelle qui s'élève comme un fantôme de feu accompagné d'une armée de fauves, et cette musique faite de percussions et de guitares saturées apte à faire tomber tous les murs. "Azamane Tiliade" porte en elle les chants des révoltés. "Adinat" est plus traditionnelle, les amateurs de blues africain seront aux anges avec ce moment de psychédélisme naturel et organique. Hommage au désert, ce grand vide mouvant et passionnant, "Her Tenere" est le chant d'un homme vers un dieu enveloppant et sans pitié. Sur "Aman", Omara "Bombino" Moctar nous offre une fois encore une partie de guitare démentielle, légère et mystique, une subtile danse avec l'inconnu. L'album se clôt avec une merveilleuse ballade, ouverture vers le soleil, le ciel bleu, "Tamaditine" ou la sérénade de l'homme amoureux, celle du poète épris de sa muse.

"Nomad" est un album bouleversant, d'une grande richesse, à la fois traditionnel et moderne. Merveilleusement composé et produit, ce disque est à classer au côté de ceux d'Ali Farka Touré, carrément!

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dimanche 14 avril 2013

IRON & WINE - Ghost On Ghost


Depuis quelques temps, Sam Beam semble vouloir brouiller les pistes folk, balayer les fondements de son groupe à géométrie variable. Mais évoluer pour sortir des sentiers limités de la folk ne se fait pas sans heurts, et "Kiss Each Other Clean", le précédent opus, a pas mal divisé. L'éternelle même affaire d'un Dylan qui passe à l’électrique, dans une moindre mesure. Toujours est-il que ce virage pop fut assez déroutant, mais Iron & Wine en osant le changement a su prendre un risque salutaire tant l'album est une réussite. Ceux qui attendent de Mr Beam un retour aux racines avec "Ghost On Ghost" en seront pour leurs frais, car le monsieur nous livre en ce printemps 2013 ni plus ni moins qu'un album de Jazz... ou presque, car constamment teinté de pop, un habile mélange.

"Caught In The Briars" ouvre l'album dans un bordel jazzy avant de se poser sur une ballade pop-folk d'une douceur salutaire, la voix de Sam Beam se pose là, aiguë et naïve, d'une grande beauté. "The Desert Babbler" est un jazz vocal un peu kitsch, le charme suranné de cet easy listening vous happe vers une luxuriante nostalgie, pour peu que l'on soit réceptif au genre. Plus loin le sautillant "Grace For Saints And Ramblers" offre une bouffée d'air frais nécessaire pour ensuite replonger dans la nuit-jazz qu'est l'album "Ghost On Ghost". Un disque qui contient son lot de ballades sublimes telles que "Winter Prayers" ou encore "Sundown (Back In The Briars)" mais également quelques curiosités comme le subtilement rococo "New Mexico's No Breeze". Encore une chose très easy, mais plus ensoleillé, plus estival. Arrive ensuite "Lovers Revolution", une tuerie jazz complètement démente, avec cette mélodie folle et son rythme qui monte dans les tours comme un moteur chauffé à blanc, un régal!

Au final, même si "Ghost On Ghost" est moins fou, moins aventureux ou coloré que l'était le génial "Kiss Each Other Clean", il n'en demeure pas moins épatant. Assurément un des grands disques de l'année!

Lovers Revolution - Youtube

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mardi 9 avril 2013

N°99 DEVOTCHKA - How It Ends - 2004


Comme son patronyme ne l'indique pas, DeVotchKa est une formation originaire du Colorado mais leur musique est mondiale. Un peu comme si un groupe est-européen était parti jouer en plein Death Valley et en été était revenu modifié, complètement hybride. DeVotchKa, c'est à la fois le froid de la Russie et le soleil de plomb d'un désert mexicain. Inspiration westerno-moriconnienne pour "The Enemy Guns" ou déferlement Klezmer avec "Such A Lovely Thing", le groupe s'aventure sur tous les terrains, même les plus glissants, et le plus souvent avec brio.

"You Love Me", le morceau d'ouverture est une carte postale sonore sud-américaine un peu passée, de laquelle émane un parfum à la fois suranné et rassurant. Sur une base simple et belle, le duo de voix s'envole littéralement dans une danse de voiles hypnotisante. Le morceau-titre est une évasion, doux songe éthéré d'un été climatisé, élévation au-dessus du monde commun pour enfin en saisir toute la beauté. Le chant semble suivre lui aussi le chemin des airs, comme un drap porté par le vent. Même si "How It Ends" fut trop utilisé dans les publicités ou les reportages foireux, le bonheur reste miraculeusement intact. Faites comme moi, éteignez votre téléviseur... Une fanfare mariachi d'un autre temps déboule sans avoir été convoquée, comme des fantômes folkloriques réveillés par la Santa Muerte, "We're Leaving" est aussi coloré que des Calaveras, ces petits crânes-offrandes mexicains. Un rapide tour du monde plus loin et nous voici en présence d'un orchestre Klezmer habité par le feu sacré, "Such A Lovely Thing" est un vertigineux grand huit fait de bric et de broc, ça brinquebale dans tous les sens, mais la barque tient bon.

"How It Ends" est un album en forme de carnet de voyage, un voyage halluciné et apaisé dans un monde qui n'existe pas vraiment...

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dimanche 7 avril 2013

THE BLACK ANGELS - Indigo Meadow


Après un 45 tours complètement pop-sixties-british et disons-le méga classe, les anges noirs texans sont de retour dans les affres du psyché à forte tendance "psychotropique". Leurs obsessions pour les Doors et le 13th  Floor Elevators les conduisent à nouveau sur des chemins kaleïdoscopiques toujours aptes à défoncer les portes de la perception. Mais le groupe désormais quatuor a sérieusement resserré la vis question format, trois minutes chrono menées tambours battants. "Indigo Meadow" est aussi moins monolithique que les précédents, une tendance déjà amorcée avec "Phosphene Dream" paru en 2010. Les formats courts adoptés par le groupe déstabiliseront peut-être les fans de la première heure, mais la prise de risque force le respect. En sortant de l'underground psyché, les Black Angels ne vendent pas pour autant leurs âmes au diable, loin de là, car la production du disque sonne purement 60's, plus encore que par le passé.

Démarrage express avec "Indigo Meadow", narcotique à souhait, la chose n'est pas sans rappeler "You're Gonna Miss Me" des illustres cramés texans menés par le fou furieux Roky Erickson. "Evil Things" étonnera par son aspect Stoner qui renvoie aux grandes heures de Kyuss, brillant. Le premier single "Don't Play With Guns" est d'une efficacité redoutable, du psychédélisme lesté de plomb, mais toujours vif. "The Day" semble tout droit sorti d'un disque oublié de la bande à Morrison, un bon gros blues blanchi et passé à la moulinette acide. "War On Holiday" est sans doute le titre le plus déstabilisant de l'album, c'est un mélange étrange entre rock lysergique et New-Wave froide, mais étonnamment cette créature hybride est divinement belle... Les acides commencent sérieusement à faire effet quand débarque le très drogué "I Hear Colors (Chromaesthesia)", avec son orgue à la Ray Manzarek et sa multitude d'oripeaux psychés. Le résultat dépasse l’entendement.

Au Final, "Indigo Meadow" n'est certes pas le meilleur album des Black Angels, mais c'est sans doute le plus accessible, celui que l'on sortira le plus souvent avec les potes. Un peu à la manière de "Waiting For The Sun" des Doors. C'est ça, "Indigo Meadow" est le "Waiting For The Sun" des Black Angels.

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samedi 6 avril 2013

JACQUES HIGELIN - Beau repaire


Jacques Higelin nous revient en même temps que le printemps avec un album apaisé, mais pas forcément ennuyeux. Après plusieurs réalisations avec Rodolphe Burger, l'homme a décidé de partir ailleurs, sur des voies moins chaotiques en compagnie d'Edith Fambuena, célèbre pour ses collaborations avec Bashung, Daho et Thiefaine. "Beau repaire" marque une vraie rupture avec "Amor Doloroso" et "Coup de foudre"; plus classique et moins foutraque, ce nouvel album se baigne dans l'eau claire loin des cascades folles dont le barjot poète nous a souvent fait connaître le frisson. Mais même assagi le grand Jacques nous fait allègrement goûter le poison qui tue: l'amour...

On entre dans l'album invité par un Higelin rêveur qui se "Balade au bord de l'eau", au rythme pittoresque de son vieux piano. L'eau est calme, le ciel est bleu, envie de couler tout au fond pour y découvrir un monde différent. C'est fou comme quelques vers, juste quelques mots peuvent vous happer dans un grand tourbillon émotionnel, "Tu m'as manqué" est à la fois riche et farouchement limpide et simple. Joyeusement "Seul" célèbre le retour des beaux jours et des évasions sous le soleil, un petit morceau tout bête qui fait autant de bien qu'une bouffée d'air pur. Magnifiquement "Rendez-vous en gare d'Angoulême" narre la rencontre entre deux amoureux continuellement séparés par les éléments ferroviaires. Encore une superbe ballade dont l’élément central est le piano, tout comme le vachard "Duo d'anges heureux" en collaboration avec Sandrine Bonnaire; un petit bijou d'écriture ciselée. Plus loin, "La joie de vivre" porte en elle le fantôme du morceau "Tombé du ciel", le genre de titre qu'on garde en soi et qui vous aide en cas de coup dur. Combien de vies sauvées par "Tombé du ciel"? Un remède à bien des maux... Juste après Higelin plonge tête baissée dans un délire franglais citant les Beatles, "Tomorrow Morning" tombe comme un cheveu sur la soupe servie à un aristocrate. Idiot donc génial! Le final "Château de sable" est d'une simplicité désarmante, une simplicité qui laisse tout l'espace nécessaire afin que le piano et le violoncelle puissent danser en plein état de grâce, nous laissant admirer les tourbillons de sable jaune s'élevant vers le ciel bleu.

Très proche dans sa forme d'un "Tombé du ciel", "Beau repaire" est doux comme le printemps, c'est sans doute un cliché mais l'album se veut ainsi. Petit bémol: pourquoi la pochette est-elle si hideuse?

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jeudi 4 avril 2013

Perception II - collection printemps/été


Du chaos jaillit la mélodie comme un rêve abscons au contour de la réalité. Parfois ça coule de source, d'autre fois ça coule tout court, ça touche le fond. Quel est ce son sauvage qui s'échappe des enceintes quand le printemps refleurit? Quel est donc ce son! De guitares saturées en arpèges doux, on se fixe tous au même désir, à la même envie de renaître enfin. Vivant à nouveau, même s'il n'y a rien de neuf sous le soleil. Ressortir ces disques au parfum de soirées qui s'allongent, d'herbe coupée et de bières fraîches. En attendant le bruit des vagues et des tondeuses à gazon, en attendant la viande qui grille son gras sur la grille du barbecue. En attendant tout ça, un vieux fantasme d'été dans la douceur des derniers jours de l'hiver, ou premiers du printemps on ne sait plus vraiment. L'heure est venue de ranger le folk pastoral pour soirs brumeux au placard, exit les bardes barbus qui semblent vivre dans un grand nord permanent. Lentement on dérive, comme sur un bateau pneumatique en plein cagnard, entre les mouettes et les capotes usées. Lentement on lorgne vers les skeuds de reggae exhibant fièrement leurs reflets tricolores, l'odeur de la weed nous monte déjà au nez. Et puis ce rock sudiste dont on n'avait presque oublié la moiteur au cours de cet hiver sans fin, et pourquoi pas un petit disque surf pour se mettre dans le mood, se remettre en selle. Un bon vieux Dick Dale de derrière les fagots, rien de tel! Pas le genre de plaisir que l'on s'octroie un 25 décembre au matin. Des envies de rock dur ou de psychédélisme floral, d'un "summer of love" sans fin dans les odeurs d'échappement d'un vieux combi Volkswagen. Envie de cliché sans trop se poser de question, envie de tout envoyer chier au son des Sex Pistols. Envie de rage adolescente, montre-toi enfin Soleil! Montre ta face afin que je puisse revivre, vieux salaud!

Il y a une bande-son pour chaque saison, elles vous accompagnent, vous aident, que vous soyez pris dans le froid carnivore ou la canicule dévorante, elles sauront vous guider. Mais quand les jours s'allongent ou se raccourcissent, elles deviennent des fantômes remisés au garage des souvenirs, pour un temps, peut-être deux. Tout est une question de perception avec ses innombrables paramètres qui altèrent nos jugements de valeurs. Tout est une question de perception...