On avait laissé Nick Cave en vieux loup décharné perdu dans la furia bruitiste du deuxième et excellent volet du projet Grinderman. Il aura fallu attendre cinq années pour que celui-ci remette en route ses mauvaises graines, une demie-décennie depuis le très réussi "Dig, Lazarus, Dig!". Mais là où le précédent opus fendait l'air telle une scie circulaire hors de contrôle, "Push The Sky Away" s'étend lentement, vaporeusement, du velours imbibé de poison. Car même doux comme un agneau, l'australien tout de noir vêtu reste vénéneux.
Esquisse de mélodie, économie de note, "We No Who U R" est un squelette jauni par le temps. Seul demeure la beauté nue, l'essentiel, le sentiment brut, une pierre mal taillée. "Wide Lovely Eyes" s'envole plus haut, l'air est chaud, quoique toujours un peu vicié. Gospel toxique. La voix tremble un peu, comme intimidée par tant de beauté. Plus loin, "Jubilee Street" tient elle aussi sur presque rien, une fragile guitare comme fil conducteur. Juste quelques notes pour ne pas se perdre dans la nuit. Arrive ensuite la pièce maîtresse, le blues de la particule de Dieu, en paradoxale adéquation avec les traditionnelles allusions religieuses dont Nick Cave est coutumier. "Higgs Boson Blues" est un long spoken-words de près de huit minutes dans la plus grande tradition du genre. Onirique, violent, sombre et lumineux, tout à la fois! Le diable et ce bon vieux Robert Johnson dansent dans la poussière du vieux sud soulevant des volutes de sable piquant. "Push The Sky Away", le morceau-titre, se déploie lentement, timide spectre de chanson, épuré jusqu’à l'os. Un final ambiant et hypnotique, sorte de mariage miraculeux entre Brian Eno et Johnny Cash!
"Push The Sky Away" est assurément un grand cru Cavien qui dévoilera la totalité des ses arômes avec le temps.
C'est pas faux, mais "Dig, Lazarus Dig!" variait pas mal quand même...
RépondreSupprimerLes grands esprits T... va marquer les esprit sur la longue cet opus.
RépondreSupprimerOn en parlait chez Sb il y a quelques jours, ce nouveau Cave m'a fait aussi l'effet d'un disque qui s'apprivoise dans le temps. Moins immédiat que Dig Lazarus dig, pas la sauvagerie retrouvée par Grinderman, mais un disque où NC se révèle plus. Plus introspectif je pense. A moins qu'il ne traverse une nouvelle zone de dépression profonde...
RépondreSupprimerDe toute façon je ne suis jamais déçu par NC depuis 30 ans, à part un peu la période Boatman's call jusqu'à Nocturama. Mais c'est très relatif.
Jolie chronique comme d'hab Toorsch.
Ecouté en rentrant de notre épopée folle à dos de planche de surf dans les rues devastées ( finalement pas tant que ça) de LA ... après ce roller coaster carpentain, un peu de douceur m a fait du bien, je suis même resté un peu dans ma voiture en arrivant pour réécouter la cinquième en entier, ça vallait largement le coup de cramer un peu de gasoil. Encore merci mon L.
RépondreSupprimerIl fallait bien cramer du gasoil, car l’électricité du monde entier est coupée.
SupprimerMême si cette musique ne se prête pas au surf, à part dans les rues de L.A avec un bandeau sur l'oeil peut-être. Biz mein L d'amour!