dimanche 3 mars 2013

HUBERT FELIX THIEFAINE, les dix premières années


Le grizzli des montagnes Jurassiennes a bercé mon adolescence, ce type a fait partie du déclic qui m'a conduit vers le grand Barnum qu'est le Rock'n'Roll. Une première descente aux enfers par la face nord, un abandon de soi entre poésie, humour et folie. Mais concentrons-nous sur les jeunes aventures du monsieur. Dix premières années discographiques riches, tant en terme de quantité qu'en qualité, dix années en constante mutation; un rollercoaster émotionnel fulgurant.


1978 - Tout corps vivant branché sur le secteur étant appelé à s'émouvoir 

Celui par qui tout commence, la première folie de monsieur Thiefaine. Débutant avec le surréaliste "Ascenseur de 22H43", ce premier album est très folk. Composé avec les potes du groupe Machin, le tout est encore un peu vert, mais contient son lot de franches réussites. L'humour noir est déjà présent, notamment sur le fendard "Maison Borniol", fresque décrivant les envies de réussite d'un croque-mort alcoolique. Le disque renferme également le plus grand tube (encore aujourd'hui) de Thiefaine, "La fille du coupeur de joints". Cet hymne hippie est un peu l'arbre qui cache la forêt, mais il fait son petit effet.


1979 - Autorisation de délirer

"Autorisation de délirer" est dans la continuité du premier album, mais en mieux. Les compositions se tiennent mieux, et le son est meilleur. Toujours réalisé avec le groupe Machin, ce disque est encore plus fou. Dès les premières notes de "La vierge au Dodge 51", on embarque pour la planète Thiefaine. Le moins que l'on puisse dire est que l'homme ne force pas l'invitation, usant de l'accent et des excès jusqu’à la rupture; il faudra une bonne dose de résignation pour entrer dans l'univers du mec. Encore une fois l'album contient des sommets mémorables, "La môme Kaléidoscope", "Rock-Autopsie" mais surtout "Alligator 427", une fresque hallucinée sur fond de catastrophe nucléaire.


1980 - De l'amour, de l'art ou du cochon 

Exploitant une dernière fois, la formule qui fit le succès des premiers skeuds, "De l'amour, de l'art ou du cochon" montre des gros signes de fatigue. Clairement en-dessous de ses prédécesseurs, fabriqué avec des restes, il demeure aujourd’hui encore l'album le plus faible du monsieur. Thiefaine lui-même dit l'avoir fabriqué sans grande conviction, sa tête était déjà ailleurs. Malgré tout, le disque s'écoute sans déplaisir. "Groupie 89 turbo 6", "La psychanalyse du singe" ou encore "L'agence des amants de madame Müller", c'est tout de même du haut de gamme.


1981 - Dernières balises (avant mutation)

Alors là, on bascule dans un autre univers, fini la blague et la gaudriole. L'ambiance est noire, la musique devient plus tranchante. Les amis de Machin sont toujours de la partie, mais le trip n'est plus le même. "113ème cigarette sans dormir" ouvre les hostilités, le morceau tire à boulets rouges sur quasiment tout, de la poésie véloce et acérée. "Cabaret sainte Lilith" pousse le malsain dans des retranchements rarement atteints, prostitution, religion et culpabilité. Déjà, la dépression guette. A noter la présence du pape Jean-Paul II sur ce titre. Plus loin, la trilogie terminale que forment "Une fille au rhésus négatif", "Exil sur planète-fantôme" et "Redescente climatisée" file des frissons. Quelques minutes hors du temps, quand la musique tutoie la félicité, défonçant les portes de la perception à grands coups de bélier.


1982 - Soleil cherche futur

Celui-ci forme un diptyque avec le précédent au sein de la discographie d'HFT. Dans la même veine donc, mais plus rock, plus expédié. "Soleil cherche futur", le morceau-titre, c'est de l'urgence à tous les niveaux. Toujours cette poésie malade qui s'enfonce de plus en plus dans les tréfonds des ténèbres. L'album contient un bonne pelleté de classiques du répertoire live du monsieur, "Lorelei Sebasto Cha" et "Les dingues et les paumés" font partie du lot. Ce sont des chef-d'oeuvres. Le disque se termine en queue de poisson avec une vaste blague fumeuse, "Solexine & ganga". Un long trip sous substance, jouissif et crétin.


1984 - Alambic/Sortie Sud  

Le préféré de votre serviteur. Composé en partenariat avec Claude Mairet. "Alambic/Sortie Sud" est une oeuvre malade et dépressive. Le fort penchant synthétique de la musique accentue encore plus ce sentiment de mal-être. Un disque dystopique. Ici, tout est bon, des premières notes de "Stalag-Tilt" au fondu de "Chambre 2023 (et des poussières)", il n'y a rien à jeter. Une oeuvre atypique dans la carrière de Thiefaine, qui ne ressemble à aucune autre.


1986 - Météo für nada 

"Météo für nada" marque un retour au rock, mais la sonorité est très marquée par les années 80. Nettement plus accessible que les trois précédents, celui-ci ne manque pourtant pas de charme. "Dies Ole Sparadrap Joey" ouvre le bal avec une histoire de baston très cinématographique, onirisme et perfecto noir. "Precox Ejaculator" est une hilarante blague dont le refrain ressemble à une pub contre l’éjaculation précoce. L’album contient également "Affaire Rimbaud", un hommage cynique au trafiquant d'armes. Si "Météo für nada" est encore composé en grande partie par Claude Mairet, Thiefaine est également de retour aux affaires. Les compositions d' HFT  lui-même sont plus basiquement rock, alors que celles du comparse explorent d'autres terrains. Pour preuve, le funk/rap de "Diogène série 87", une folie sans concessions.


1988 - Eros über alles

A croire que les albums du chanteur fonctionnent par paires, car "Eros über alles" est pile dans la veine de "Météo für nada". Ouvrant avec le très hard "Was ist das Rock'N'Roll", un classique de plus. Le disque contient également "Septembre rose", une chanson qui célèbre la naissance de son premier fils. Jamais l'homme ne se sera montré aussi tendre, touchant le bonheur avec méfiance. Quant à "Droïde Song", elle bascule dans la science-fiction triste. Sommes-nous tous des robots condamnés à l'exécution d'un certain nombre de tâches?

Par la suite, Hubert Felix Thiefaine abandonnera un peu de la folie des débuts, mais ses disques seront toujours des perles noires. Certes un peu moins vénéneuses, à l’exception de "Defloration 13" paru en 2001.

Lien Spotify

6 commentaires:

  1. Joli papier T.. j'ai découvert cette première partie de carrière bien après..j'ai commencé par lz Zenith 95 jusqu'à ce que je rencontre un ami en 2009 qui cotoye Mairet et me raconte les coulisses. Alors j'ai rebroussé chemin pour les disk que tu présentes ici.. j'ai un faible pour "Affaire Rimbaud" et Meteo fur nada.

    Merci pour la viste guidée... eh !! tu prépares le reste ?? :D

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  2. Cool, si tu as deux ou trois anecdote sympas sur les coulisses n'hésite pas!

    Ouais, je vois pour la suite, je ne sais pas quand, en ce moment je me réécoute la discographie dans l'ordre chronologique...

    Et Sad m'a acheté le "first album " et "Caravanserai" de Santana, la claque!!!

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    1. C'est surtout des infos pas gaies sur la rupture.. Claude est tjrs dans la convalescence de cette séparation brutale et sèche..

      Deux Santana .. et l Caravan en plus.. excellent pour un dimanche très ensoleillé...mieux que des croissants :D

      Biz à vous deux

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    2. oauis, j'avais entendu que la rupture fut douloureuse, d'ailleurs elle est palpable, il y a un avant et un après Mairet.

      Sinon pour Carlos, je n'ai écouté que le premier pour l'instant. Bordel, pas ressenti une telle claque 60's depuis ma découverte des doors et du jefferson airplane.

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  3. Je le garde pour quand je m'y mettrai. Pas connu du tout, par moi, à cette époque et comme j'écoutais peu d'artistes Français, seuls les immodestes, les cabotins pouvaient atteindre mon oreille. J'ai la sensation qu'il n'en fait pas partie, pas assez exhibitionniste pour les média de l'époque et mes lectures R&F le survolait dans mes souvenirs, sans plus.

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    1. Un régal, la première époque est assez atypique, après c'est plus sérieux, mais toujours très bon.

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