samedi 3 novembre 2012

N°78 VIC CHESNUTT- North Star Deserter - 2007


Vic Chesnutt, c'était de l'émotion pure, autant faite de chair que d'acier. De la musique si chargée que son écoute peut se révéler fatale, un tel tourbillon de sentiments ne doit pas être pris à la légère. Vic Chesnutt personnifie à lui seul la face sombre du système américain, l'un des plus moisis du monde. Pas d'accès au soin, rien, nada! Être artiste et handicapé demande une vraie dose de courage dans un pays où la sécurité sociale est quasiment inexistante. Mais voilà, le courage nous lâche tous un jour, pour Vic Chesnutt, ce sera un sordide matin de Noël. Suicidé. Laissant derrière lui une oeuvre imposante et séminale.

"North Star Deserter" a beau être paru durant l'été 2007, il est froid comme l'acier, froid et brûlant comme le verglas. Ce disque fut distribué par les canadiens de chez Constellation, un label bien connu des amateurs de post-rock. Pour cet album, Vic Chesnutt s'est également offert les services d'un backing band de luxe, puisque ce n'est ni plus ni moins que le Silver Mt Zion, l'une des nombreuses têtes de l'hydre Godspeed You! Black Emperor. Dès les premiers accords de "Warm", l'ambiance s'installe, l'aigrelette guitare danse dans la poussière avec cette voix qui vacille comme la flamme d'une bougie malmenée par un courant d'air. Derrière, l'orchestre tient son rôle avec sobriété et discrétion, agissant par touches éparses, comme un peintre économe. "Glossolalia" est semblable au dernier envol de l'oiseau, gracile et beau, qui l'instant d'après retombe comme une pierre, si lourde qu'elle creuse le sol. Et la chorale chante. Noirceur encore, "Everything I Say" est rude, violente, tendue à l'extrême; toujours au bord de la rupture. Et l'orchestre joue, il joue avec nos nerfs, nous malmène. Parfois, l’espoir renaît le temps d'un instant; le temps d'un rapport protégé. Mais la mélancolie, cette implacable maîtresse, nous retrouve inlassablement  Et la chorale chante comme une seule voix, elle me dit que je ne serai jamais seul ("You Are Never Alone"), mais ce n'est pas vrai. Elle-même n'y croit pas! Déjà les ténèbres nous renvoient à notre solitude. Mais toujours cette musique qui nous guide, belle parfois, comme les rayons éblouissants du soleil. "Splendid" nous porte à bout de bras, dieu, que ce voyage est épuisant. "Ce n'est pas fini, tant que ce n'est pas fini", nous chante le barde malade. Bien sûr que si, c'est couru d'avance! Tout finira dans un dernier tremblement...

Ce disque me transporte à chaque fois, c'est un plaisir fin. Un de ceux que je m'offre rarement. Il ne faudrait pas casser la magie, ce serait trop con. "North Star Deserter" n'est pas à mettre entre toutes les mains, il est trop dangereux, sa beauté est un poison.

3 commentaires:

  1. Hello Toorsch

    Complètement d'accord avec toi, il est très bon ce Chesnutt. D'ailleurs ça fait quelques temps que je ne l'ai pas écouté, tu as bien fais de me le rappeler.

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  2. Absolument toxique comme tu dis. Déjà avant Constellation ça arrachait puissant, mais là, les deux lp chez les post rock, ça transperce et remue à l'intérieur. Enorme envergure sonore que d'aller là bas... comme s'il est allé se finir :C
    J'ai été très choqué de sa disparition en même temps que Lhassa (aussi passée chez Constellation à l'époque).. tout est froid, glacial terriblement ténébreux, du blues de haute altitude, et un songwriting irréversible.
    Je l'ai vu sur scène à l'olympia en 95 (première partie de Domniique A) Bimmm dans la face, bouff dans la tète. Adopté direct. Quand on y entre, on est foutu :D

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    1. J'avoue ne pas connaître toute la disco du monsieur, mais son passage chez Constellation, c'est du diamant!

      Une chance de l'avoir vu sur scène!

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