jeudi 7 février 2013

Nuits Blanches


Le nuit est tombée depuis longtemps déjà, l'hiver y est pour quelque chose. Pas envie de dormir, je file dans la bibliothèque, tous ces bouquins et bandes-dessinées en tout genre à lire, et que je ne lirais sans doute jamais pour certains. Mais le seul fait de les savoir là, de les contempler me remplit de joie. L'odeur du papier, celle du vinyle et de l’ampli qui chauffe, un régal. Je pousse un peu le chauffage et je suis bien. Par quoi commencer, une bande-dessinée? On verra plus tard, d'autant que ma moitié (la plus belle moitié du tout) tient dans ses mains l'exemplaire flambant neuf de l’anthologie "Creepy" que je gardais bien au chaud. Pas grave, je file vers l'étagère à cd, j'en tire un Tom Waits, idéalement nocturne. La belle reliure toilée de l’édition luxe de "Bad As Me", le papier mat, aussi délicieux au toucher qu'à l'odeur. Voilà pourquoi je ne passerai jamais au mp3, je ne voudrai en aucun cas être privé de ces sensations presque aussi importantes que la musique en elle-même. Nuit blanche, il faut tenir, je fais couler du café, odeur magique, saveur noire pour nuit blanche. Dehors la température descend sous la barre fatidique de zéro degré, pas un temps à mettre un chat à la rue. Les miens sont d'ailleurs bien tranquilles avec moi, bercés par la musique et le bruissement des pages qui défilent.

Il fut une époque pas si lointaine où les nuits blanches étaient légion. Il y a une dizaine d'années de cela je dirais, une paille et une éternité à la fois. C'était l'époque bénie des découvertes, des nuits entières à écouter les Doors, Grand Funk et d'autres. Parfois, c'est l'entière la bouteille de saké qui en faisait les frais. Des instants figés dans le temps, à refaire le monde comme on le fait à dix-huit ans. Je sais, la mémoire est fiction et le souvenir toujours trop parfait, mais bon sang que ces moments étaient doux! Les longues vacances d'été, aucune contrainte, deux mois de totale liberté à vivre en rythme inversé. Mon cycle naturel est nocturne, et encore aujourd'hui, lors de relâche professionnelle, je l'adopte très rapidement. Certaines nuits, la communion avec la musique était telle, qu'aux premières heures du jour nous sautions dans la voiture, direction le disquaire pour refaire le plein, histoire de tenir la nuit suivante. Pas le temps de dormir, parfois deux nuits d'affilée. "Moins tu dors, plus t'es fort", c'était la devise. Stupide, car la privation de sommeil conduit irrémédiablement vers la mort! 

A d'autres occasions, les nuits étaient cinéphiles, ou disons plutôt cinéphages. Entre navets Z, fantastiques ou oeuvres cultes, on entrait dans le 7ème art par la porte de derrière. Avec un goût prononcé pour le déviant. En fait ma manière d'aborder le cinéma est identique à celle d'aborder la musique, c'est aussi simple que cela. Je dois bien admettre que j'en ai vu des merdes, mais toujours avec le sourire. Il est vrai que parfois ça se terminait en queue de poisson et je finissais par m'endormir mollement devant le pire nanar de l'univers. Pour me réveiller quelques heures plus tard, la bouche pâteuse et le crâne au bord de l’explosion, face à un lecteur dvd toujours en action et une télévision déversant un flot continu d'images mal filmées. Pas si éloigné de ça qu'une bonne gueule de bois. Le jus de navet est mal passé? Cinéma, bandes-dessinées et rock, la nuit m'a fait cultiver la sous-culture, elle a façonné ma façon de voir les choses. Elle m'a appris à ne pas aller brouter le foin avec le reste du bétail!

Aujourd'hui je fais de moins en moins de nuits blanches, ça nous arrive quelques fois avec Sadaya, elle possède la même folie juvénile que moi, c'est aussi pour ça que je l'aime. On peut rester la nuit entière dans le bureau sans trop parler, elle dans ses livres, moi dans ma musique. On mesure la qualité d'une compagnie au travers du silence, n'est-ce pas? Mais pour ce qui est des potes, certains sont partis vivre ailleurs, d'autres sont trop occupés à grandir. Les occasions se font plus rares, et bientôt elles n'existeront même plus, c'est ainsi.

22 commentaires:

  1. Ah! Que ça me fait plaisir de lire ça. J'ai plaisir quand quelqu'un se lâche dans l'écrit. Magnifique texte.

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  2. Arrff, j'ai le même problème, noctambule... j'adore sauf quand le réveil est coché à 5h45.. c'est un équilibre à choper, dépassé 3h00 c'est cuit, dors plus.

    Ceci dit votre coccon à l'air chaleureux.. ça donne envie d'être un pote et passer prendre un saké :D

    Biz à vous deux

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    1. Un saké ou autre, si un jour tu passes dans notre coin (faut avoir envie), tu seras accueilli a bras ouvert!

      Passer trois du mat', c'est chaud, un micro sommeil avant d’enchaîner sur la journée de taf', c'est l'horreur!

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    2. Me dit pas ça, je panique passé 3h00 du mat.. c'est même arrivé deux nuits de suite, dès le lundi, tu t'endore à 4h50 et bim.. le réveil :C .. une épave.

      Ceci dit, il me semble que tu est vers Rodez ?? le fief d'Arbouse recordings.. déjà allé deux fois.. 31 ou même 61..même pas peur :D

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    3. Non, près de Metz dans le 57. Le fief de Philippe de la nouvelle star :-)

      Du coup tu flippe un peu, n'est ce pas?

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    4. Oh putain..complètement à côté..je te voyais dans le Larzac .. ou au dessus de Nimes.
      Bon bah si je me dérange à Metz un jour..ce sera juste pour toi :DD

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    5. Eh.. côté couple, ma moitié se couche avec les poules, moi au son du coq !!! nous avons des heures restreintes de présence communes dans le padoc.

      L'épreuve harmonieuse du couple par le silence je connais.. la musique s'étaient avec le jour, .. la nuit, une tonne de questions, le silence et moi qui traine dans l'ombre à me dire qu'elle me manque :D
      Des petites absences ponctuelles et millimétrées, comme une danse, me rendent amoureux...

      J'insiste biz à vous deux .

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    6. oups..s'éteint avec le jour...

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    7. L'attente, le manque qui créer le désire... J'ai ça a chaque fois que je part au taf', que je déteste par ailleurs. Une danse avec le temps, jamais en phase.

      Si tu te dérange à Metz, il y a Sorgual aussi, je crois...

      Biz à vous également, MrC.

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    8. Bordel y'a un noyau est ou bien !!! y'a une troisième raison je crois !! la mousse :D
      tu fais quoi comme Taff T ??

      on peut revenir aux mails si tu veux ;DD

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    9. Yep, passons dans le salon privé...

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  3. Merci pour ce très joli texte. Comme il m'arrive de travailler la nuit, je suis souvent en décalage total; c'est parfois très agréable, mais, d'autres fois, on se sent perdu comme un tout petit enfant!

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  4. Que ce temps des nuits blanches me semble lointain,celui coincé quelques heures entre nuit et matin à écouter de la musique ou faire quelques blind tests sonores bien plus récentes, mais "le vieux" ne tient plus la distance. oui si tu passes dans le coin Vicent, il y a encore de la vie (et de la bière) au nord est de Metz. Et merci Toorsch de penser à moi, j'espère à un de ces jours.

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  5. @ Jimmy, moi aussi j'ai parfois beaucoup bosser de nuit, et c'est vrai que chaque nuit est différente, et parfois très abrutissantes... Dans le sidérurgie du moins....

    @ Sorgual, il faudra faire une escale a Metz ou une rencontre inter-blog en vrai...

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  6. Toorsch

    Jolie chronique et la nuit mérite bien qu'on lui consacre du temps. Si en plus vous êtes en phase tous les deux sur ces horaires c'est cool. Je suis plutôt du soir et de la nuit aussi, mais pas possible de vivre la nuit et bosser le jour. Ou alors je n'ai pas trouvé le produit qui remplace le sommeil. Une journée typique c'est je suis nase toute la journée et je jure de me coucher tôt le soir, mais le soir venu, impossible, trop d'envies et de choses à faire.
    J'adore mon boulot mais si je pouvais m'en passer et profiter des nuits...

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    1. Profité des nuits, un luxe. Mais il faut faire l'impasse sur conventions sociales pour ça...

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  7. Lu hier soir et assez puissant pour que je revienne te le dire ce matin avant de partir au boulot.
    Je me vois encore, mais c'est rare, les copains debout près de la porte, 4h du matin et moi qui cherche fébrilement un dernier morceau à mettre, un rock, un blues, pour avoir un dernier avis, un dernier assentiment...
    Marrant la nuit c'était plutôt les échanges avec les amis questions musiques mais pas que ... et tôt le matin c'est plutôt l'écoute seule de découverte, c'est à ce moment que je suis le moins saturé et que je peux "entrer" dans une musique inconnue pour me l'approprier

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    1. C'est vrai que la nuit, ou au petit matin, tu es plus en phase avec la découverte. C'est comme ça que je suis entrer de plein fouet dans Bowie. Les "BBC Sessions", j'avais chopé le disque dans un bac à soldes, et encore bien jeune, je n'avais pas posé une oreille sur la carrière du type. Et une nuit, ou un matin je sais plus, j'ai mis le disque dans la platine, et je peux te dire qu'a ce moment, ces vieux enregistrement radio étaient les meilleurs du monde... Right Time, Right Place, c'est le deal!

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    2. ... sauf que j'aurai du préciser, les trucs vraiment nouveau, dans un genre que je connais mal ou qui me rebute, il me faut ma nuit de sommeil pour espérer changer d'avis, ou apprécier ou découvrir.
      Les nuits blanches, je les berce avec des trucs que j'aime ou que je vais aimer, le dernier Neil Young par exemple, mais ça ne marche pas toujours: l'avant dernier Neil Young par exemple ;-)

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