mardi 11 février 2014

LE SOAP ÉTHYLIQUE - Pour la beauté des restes

En franchissant la porte poisseuse de ce rade miteux, j'ai tout de suite senti l'odeur âcre des emmerdes. Vingt ans que je suis dans le métier, alors j'ai comme qui dirait développé un certain flair pour ce genre de choses. Les emmerdes, je veux dire. Le métier en question c'est inspecteur de police, pour ceux qui n'auraient pas encore saisi, et mon "nom d'artiste" c'est Torche; c'est ironique, les collègues m'appellent ainsi car je ne suis pas une lumière. Je suis le champion des affaires non résolues, faut dire aussi que j'ai le chic pour me fourrer dans tous les plans tordus. Et c'est justement l'un de ces plans démoniaques qui m'avait conduit jusqu'à ce troquet, "Le club des buveurs de pintes", fallait que je me rencarde sur les affaires louches du patron des lieux, un certain Jimmy Kiss Kool. Le type est connu dans le milieu, parait qu'il serait le chef d'une petite bande de pochtrons donnant dans la liqueur frelatée faite maison. Plusieurs gaillards de la haute seraient tombés raides morts après avoir goûté au nectar. Et ça commençait à faire tâche à la "Kommandatur", vous voyez le genre? 

Après avoir commandé une pinte, je me suis installé au bar, et j'ai jeté un rapide coup d'oeil autour de moi afin de mieux cerner la faune des lieux. On n'était pas au Ritz, certes, mais clairement la clientèle avait sacrément morflé, cette chienne de vie ne lui avait visiblement pas fait de cadeaux. Tandis que je m'attardais sur le regard vide de mon voisin de zinc, Jimmy Kiss Kool m'a apporté une pinte de pisse tiédasse dans un verre sale.
" Ça f'ra cinq euros", me dit-il sur un ton désagréable.
J'ai sorti un billet de cinq de la poche intérieure de mon imper' et l'ai glissé négligemment sur le comptoir. Il s'en est emparé avec empressement, comme un prêtre s'empare d'un enfant de cœur. Alors que j'allais plonger mes moustaches dans ce breuvage fort peu rafraîchissant, une voix nasillarde est venue troubler la rumeur des lieux.
" Salut, moi c'est Barlu, et toi? me demanda mon voisin de droite.
- Euh...bonjour, moi c'est Torche, enchanté". Jamais ce terme ne m'avait semblé aussi peu approprié. "Tu viens souvent ici mon cher Barlu?
- A vrai dire je suis toujours là, je ne peux pas partir sinon le bar s'effondre. Littéralement! me répondit-il le plus sérieusement du monde. 
- Comment ça?
- Je suis le pilier de ce comptoir, la glaise qui tient le tout debout. Je suis le fou du village englué qui guide les voyageurs immobiles qui tentent l'ascension de l'aiguille..."
J'ai tout de suite compris qu'il n'avait ni l'eau ni le gaz à tous les étages. Mais le type était sympathique et aidé par quelques pintes grassement payées par le contribuable, peut-être même arriverai-je à lui soutirer quelques précieuses informations. Une fois imbibé, le Barlu m'a carrément déroulé le générique de fin, avec le casting au grand complet, un rêve. Très disert, il ne m'a épargné aucun détail croustillant. 

Il y avait La Bordeaux, une radasse en exil de son Québec natal pour une sombre histoire de prostitution. Elle avait écopé de ce surnom en raison de son amour immodéré pour le raisin fermenté. La pauvre n'avait plus une chaise en place dans la salle à manger, le scorbut je crois. Toujours est-il qu'entre deux passes, la frêle demoiselle se chargeait de la distribution de la gnôle. Service livraison donc.

Le binoclard du fond s'appelait Tergal, un ancien toubib qui fut rayé de l'ordre des blouses blanches et avait fini au mitard pour une sombre histoire de trafic d'organes. Je me souviens de cette sale affaire, les juges avaient été cléments par manque de preuves ou de paperasse mal goupillée. Toujours est-il que vingt après, le voilà ici, tel un fantôme du passé. C'était le chimiste de l'équipe, celui qui tenait la distillerie. Le bougre, il avait gardé le goût du crime.

A côté du Jukebox, écoutant Claude François, se tenait le Pernophage, un ancien coureur cycliste ayant perdu un testicule lors d'un tragique accident de vélo. La chose s'était prise dans le dérailleur alors qu'il tentait l'ascension d'un col, le grand plateau eut alors raison de sa virilité. Il s'occupait de l'acheminement et du conditionnement. En plus des cadavres récoltés au bar de Jimmy Kiss Kool, il allait quémander la consigne chez tous les maghrébins tenant une épicerie...

LA SUITE AU PROCHAIN EPISODE? 

20 commentaires:

  1. J'adore être une radasse pute exilée! Je t'embrasse. Ça tire! J'ai pleuré,.. Barlu... c'est magnifique. xxx

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  2. Et moi qui outrée venais à ta rescousse, bon, si les victimes sont consentantes, cette nouvelle est vraiment amusante!

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    1. Ah! Non la Bordeaux j'adore... sincèrement, j'adore l'écriture... ça glisse et c'est percutant. Et en plus j'ai plus de dent... quel salaud!!!! Misère, j'ai de la misère avec les commentaires.

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  3. Merci les filles, pour être honnête, je n'ai pas demandé le consentement... mais c'est de l'humour. Rien de méchant, vraiment. Mais la galerie de persos n'est pas complète, j'écris sans scénario prédéfini... donc je découvre presque en même temps...

    Par contre, je me réserve un horrible sort, ça je le sais...

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    1. J'espère que la femmes à trois seins te fera griller les castagnettes à feu doux.

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  4. Ces gars me disent quelque chose... Et La Bordeaux m'a l'air très amicale!!! Hahaha!!!!!
    Oh la la je n'ose pas imaginer ce que va être mon personnage...
    Vivement la suite!!!!

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    1. J'espère que tu auras trois seins.

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    2. Je ne me fais aucune illusion, il ne me fera pas de cadeau.
      Mais trois seins c'est pas assez.

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  5. Si je ne fait pas trucider pour celui-ci, un second épisode est d'ores et déjà terminé...

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    1. Il serait dommage car j'aime beaucoup. Je crois que les gens auront de l'humour comme tous le monde est crade, je crois que l'on est tous égaux. J'ai toujours rêvé de me retrouvé dans un polars... MAIS AVEC DES DENTS! ;)

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  6. Servir de la pisse tiédasse, ça me plaît moyennement, mais posséder des disques de Claude François dans mon jukebox, là, c'est carrément l'injure suprême! Vite, la suite!
    Jimmy Kiss Kool
    P.S. : c'est ton temps d'écriture qui t'empêche de venir commenter mon feuilleton?!

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  7. Perdre un testicule en grimpant un col, c'est certainement celui de l'utérus ?...

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  8. Arfff, c'est pour ça que je sers les cuisses quand je pédale.. et quand je ne suis pas sur ma bécane, je skate le zinc :D Ceci dit, moi j'aime bien les radasse sans dents.. je tiens aussi à mon casque. J'y viens tout le temps dans ce rade déglingué.. une autre pinte et je te raconte le reste...hic !!!

    Chapeau T...

    CharluBerlu :D

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  9. Oui, ça démarre fort, et je serai clairement un de tes lecteurs assidus. J'aime beaucoup ton style !

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  10. Rhâââ, mon salaud, j'me suis pissé dessus à cause de toi.
    C'est hollywoodien !!!!!
    Par contre, rassure-moi : c'est de la fiction… parce que des gens comme çà, ça peut pas exister !!!!!!
    Sinon, tu as changé de dealer, dernièrement ?????

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  11. Merci les amis, j'avais tout de même peur que ce soit mal pris. C'est vrai que c'est gras, mais je n'imagine (malheureusement, souvent), pas l'humour autrement que dégoulinant^^

    Le prochain épisode arrive demain, mais ce ne sera pas une saga comme le feuilleton de Jimmy, les blagues les plus courtes, hein?

    Mais d'autres personnages arriveront...

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    1. Je te rappelle quand même que j'ai été 7 fois champion d'Europe de concassage rotulien et que je possède l'une des plus belle collection de barres à mine du monde… enfin, c'que j'en dis…!!!!!!!!!!

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    2. Minuit!!!! Ton arrivée dans l'histoire. Pars peur pour mes genoux moi!

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  12. WTF ? ^^
    Ca m'a bien fait marrer tout ça.

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