dimanche 8 septembre 2013

Blue Moon & Other Killer Lullabies

Pour un gamin, regarder un film fantastique ou d'horreur est une des choses les plus merveilleuses et délicieuses qui soient. Le grand frisson ou comment braver l'autorité parentale pour se lancer à corps perdu dans les mondes de l'imaginaire. Bien avant d'atteindre mes dix printemps, j'en avais déjà vue de la bobine pleine de frisson et de suspense. Des classiques du genre aux oeuvres les plus tartes, je dévorais littéralement de la V.H.S non appropriée à mon jeune âge avec la plus grande délectation possible. Le parfum de l'interdit. La frontière entre réalité et fiction étant une notion plutôt floue pour un enfant, il n'était pas rare qu'une projection malheureuse se termine en nuit blanche. Les yeux grands ouverts et les feuilles en éveil, je guettais le moindre bruit suspect et la plus petite ombre vagabonde. Mais c'était de la bonne peur, de celles qui activent l'imagination et plus tard la création. 

Un bon film d'horreur se démarque par son ambiance, une parfaite corrélation entre le son et l'image est par exemple primordiale. Ne pas tout montrer au spectateur l'est tout autant, la suggestion étant l'un des moteurs principaux du genre, une profusion de gore n'a jamais fait un bon film, l'abus de jump scare non plus. Ceci est un message aux créateurs actuels qui usent et abusent de cette navrante ficelle: un jump scare ne fait PAS peur, c'est juste ÉNERVANT! Apprendre à créer une ambiance est la base de tout. Mais là n'est pas le sujet, comme nous sommes sur un blog musical, passons en revue quelques glorieux exemples de symbioses entre image et son.

An American Werewolf In London est un modèle du genre. Puisque le film traite de loup-garou, pourquoi ne pas utiliser uniquement des chansons ayant un rapport direct avec la lune? Cela peut paraître basique voir même logique, mais personne n'y a songé avant John Landis pour ce film, qui pourtant date de 1981... L'ouverture du Loup-garou de Londres (titre français du film) est d'une beauté saisissante, alors que résonne "Blue Moon" interprété Bobby Vinton (la plus belle version de toutes), le réalisateur se contente d'aligner des plans séquences des brumeuses landes anglaises plongées dans un éternel automne. Trois minutes de générique absolument démentielle, qui à elles seules posent une grosse partie de l'ambiance du film, brillant. Le fait que John Landis utilise cette version plutôt qu'une autre lors de l'ouverture prend réellement tout son sens lorsque débarque le générique de fin. En effet, pour accompagner ce dernier, le réalisateur a choisi ce même titre, mais exécuté par The Marcels dans une version Doo-wop au tempo rapide et enjoué. D'autant plus dément que celle-ci tombe comme un cheveu sur la soupe après un climax d'une tristesse absolue. Un modèle du genre vous dis-je! Depuis ma plus tendre enfance, chaque fois que j'entend "Blue Moon" je pense au Loup-garou de Londres, qui pour moi demeure encore aujourd'hui le meilleur film jamais créé sur le sujet; et aussi une preuve que les effets spéciaux numériques ont fait beaucoup de mal au genre. John Landis réalisa également les Blues Brothers ainsi que le clip de "Thriller" pour Michael Jackson, inégalé lui aussi.

Cette manie d'utiliser un matériau musical issu du répertoire populaire se démocratisa réellement dans le septième art durant les années 80. Bien que cette pratique fut initiée vers la fin des années 60 lors de l’émergence du Nouvel Hollywood, avec des cinéastes tels que Martin Scorsese ou Dennis Hopper. Dès lors, la bande originale d'un film est également devenue l'occasion pour un réalisateur de nous faire part de ses goûts musicaux. Quentin Tarantino pour ne citer que lui, en a d'ailleurs fait sa spécialité, ses longs-métrages sont gavés de morceaux plus ou moins populaires et parfois même empruntés à d'autres films; une sorte de double hommage. Il offrira même une seconde jeunesse au "Misirlou" de Dick Dale, devenu depuis un tube planétaire. Les Black Eyed Peas, ces chiens galeux, le sampleront sans scrupules pour leur infâme "Pump It!", c'est vous dire la popularité de la chose. Dans un autre registre, Roy Orbison connaîtra une gloire posthume grâce au film Pretty Woman, qui propulsera à nouveau la chanson éponyme au sommet des charts près de vingt-cinq ans après sa parution initiale. Sans parler de la b.o d'American Graffiti de George Lucas qui générera carrément un revival pour la musique des glorieuses années 50.

Quand des artistes de rock ou d'autres genres musicaux s'improvisent compositeurs de bandes-originales, le résultat n'est pas toujours heureux. Tout le monde garde en tête le cuisant échec de Queen sur Flash Gordon. Une bouillie sans réelle direction artistique, comme le film en fait... Cela voudrait-il dire que cette b.o est une réussite et que les membres de Queen savaient où ils allaient? Peu probable. Dans d'autres cas, l'oeuvre musicale sublime le film et peut même exister sans ce dernier, celle de Paris, Texas par Ry Cooder en est un exemple frappant. Le disque s'écoute sans peine comme un album à part entière du guitariste et non comme un accompagnement du long-métrage. C'est peut-être ça le secret d'une bande-originale réussie, la capacité d'exister par elle-même. Les pièces symphoniques de John Williams ou Alan Silvestri y arrivent sans mal, et ce malgré l'impact colossal des films qu'elles illustrent (Star Wars, Back To The Future). J'entends par là qu'elles peuvent être jugées sur pièce et de manière indépendante sans perdre de leur superbe. Tout comme les oeuvres minimalistes et electro de Giorgio Moroder ou de John Carpenter. A contrario une bande-son qui sert parfaitement un film sans pour autant s'épanouir seule n'en demeure pas moins une réussite.

De manière générale, c'est le cinéma de genre qui génère les plus belles musiques, ou du moins les plus mémorables. Qu'il utilise des pièces toutes faites ou créées spécifiquement pour l'occasion, le résultat est souvent dantesque. "Tubular Bells" pour l'Exorciste, le "Main Title" des Griffes de la nuit ou encore les classiques d'Ennio Morricone, tout cela on le doit au cinéma de genre. Peut-être est-t'il plus apte à créer des libertés, ou simplement plus inspirant. Plusieurs exemples récents abondent dans ce sens, la trilogie du Seigneur des anneaux ou encore celle de Dark Knight. De franches réussites à l'heure des soundtracks lisses et interchangeables.

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