mercredi 1 mai 2013

CASH - American Recordings - Un phénix renaît de ses cendres



Une rencontre décisive.
On ne peut pas dire que Johnny Cash était au sommet de la gloire lorsqu'il pénétra dans le salon de Rick Rubin pour enregistrer, seul à la guitare, le premier volume de ce qui deviendra l'une des plus belles épopées de l'histoire du rock, à savoir la série des American Recordings. L'homme a beau avoir publié un paquet de disques durant les deux décennies précédentes, peu auront marqué les esprits. Souvent à cause d'une production trop lisse ou d'un manque cruel d'âme, et ce malgré la voix toujours impeccable de l'homme en noir. On touchera le fond vers la fin des années 80 avec l'ère Mercury et ses albums bas de gamme sortant dans l'indifférence la plus totale. Cash est has-been, personne n'irait miser un kopeck sur l'ancienne légende de la country. A l'exception de l'excentrique Rick Rubin, célèbre producteur de hip-hop et de métal, co-fondateur du label Def-Jam et patron de sa branche "rock" American Recordings. Il est également connu pour avoir créé des ponts entre l'univers du rap et du rock, notamment avec le célèbre duo Run D.M.C. / Aerosmith, "Walk This Way". 

Lorsque Rick contacte Cash, ce dernier hésite, pourquoi ce "hippie" s'intéresse-t'il à lui? Rubin produit des artistes se trouvant à des années lumières de son univers... C'est John Carter Cash, son fils, fan de métal, qui trouvera les arguments pour le persuader d'accepter l'offre de Rick Rubin. Le producteur donne à Cash la possibilité de faire un album guitare-voix, une chose dont rêve le chanteur depuis longtemps. Rubin part d'un postulat simple: si les démos sont meilleures que l'album, alors les démos seront l'album.


Renaissance artistique et critique.
Le premier volume de la série est comme les autres essentiellement composé de reprises, mais il a la particularité de n'avoir aucun arrangement. Juste l'homme en noir, sa voix d'or et sa guitare, c'est cette simplicité qui offre toute sa chaleur au disque. Rick Rubin s'est contenté de faire tourner le magnéto, laissant Cash ouvrir son gigantesque juke-box mental, sa boite de pandore rock. J.R. chante les chansons qu'il aime, même si parfois Rubin lui en propose également ("Thirteen" de Glenn Danzing) et c'est là tout son génie. En ne parasitant pas l'art primaire mais en aiguillant juste son artiste, le producteur tire le meilleur de celui-ci, à tel point que le disque semble être plus un récital au coin du feu, qu'un album manufacturé. Pour l'anecdote, les chansons "Tennessee Stud" et "The Man Who Couldn't Cry" ont été enregistrées en live au Sunset Strip, un club de Los Angeles qui appartenait à Johnny Depp à l'époque. L'album remporta un fort succès critique et public, amplement mérité.

Pour le second volume, "Unchained", Johnny Cash est accompagné par Tom Petty And The Heartbreakers, l'album est plus rock, avec ses reprises de Beck ou de Soundgarden. En fait, ce disque est le plus "rusty" de toute la longue discographie de l'homme en noir. C'est encore une réussite. Peut-être l'opus le plus accessible de la série.
                                                   
Solitary Man Comes Around....

Le troisième volume sort en septembre 2000: "Solitary Man" reprend les qualités des deux premiers opus tout en trouvant le juste point d'équilibre entre leurs deux visions de l'art de Cash. S'ouvrant avec l'intense reprise de "I Won't Back Down" de Tom Petty pour nous offrir ensuite un chapelet hallucinant de chef-d'oeuvres. Ses relectures très personnelles de "One" de U2 ou de "I See A Darkness" de Bonnie Prince Billy sont des preuves supplémentaires de la faculté que possède Cash de faire sienne toutes les chansons qui croisent sa route.  

Le volume quatre débute, une fois n'est pas coutume, avec une composition personnelle et non des moindres. "The Man Comes Around", la chanson titre, est une hallucination onirique sur la mort et aussi un chef-d'oeuvre d'intensité. Comme il l'aura fait tout au long de sa carrière avec un grand nombre de morceaux, Johnny Cash sublimera "Hurt" de NIN, transformant ce sommet torturé en montagne émotionnelle infranchissable. "The Man Comes Around" sera le dernier album publié par l'homme en noir de son vivant. Un disque sombre portant le sceau de la mort.

Post-mortem.
Après le décès de Johnny Cash le 12 septembre 2003, le label American continuera de sortir coffret et albums, tous d'une grande tenue. D'ailleurs on ne peut prétendre plonger dans cette période de la carrière de Cash en faisant l'impasse sur les volumes V et VI, mais surtout sur l'immense coffret "Unearthed". Un bel objet toilé composé de cinq cd dont quatre remplis d'inédits d'une qualité renversante, incluant cette reprise magique de "Redemption Song" en duo avec Joe Strummer. Mais gageons que cette belle série n'est pas encore tout à fait terminée, il reste du rab' dans les tiroirs. Il parait même qu'une version de "Personnal Jesus" fut enregistrée avec Alice Cooper.

Les dix dernières années de sa vie, Cash aura renoué avec le succès, aussi bien critique que public. Passant du statut de has-been à celui de légende vivante. Mais cette série de disques lui aura aussi permis de passer de vie à trépas avec tout l'égard du à sa personne. Un grand homme, un immense artiste, une voix éternelle.

5 commentaires:

  1. Je n'ai que le 4ème volume de cette collection mais je le trouve excellent...et j'essaierait de mettre la main sur les autres pour comparer...

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    1. Le quatrième album demeure être mon petit préféré mais tous sont bons. C'est vraiment une série d'albums mythique.

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  2. Gros faible pour ces 4 là, plus que sa carrière en générale. Viscérale, à la limite du dramatique. J'ajouterai même le 5 ème, postmortem avec la photo de lui gamin.
    T'as bien fait de les regrouper..indissociables.

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  3. Ceci dit, en pleine préparation d'une compil incluant un titre de Johnny Cash, j'ai résisté à en prendre un de cette période. Que j'adore, trop, du coup je n'écoutais plus ses propres titres. Alors j'ai replongé dans le Cash de St Quentin par exemple, plus viril, moins crépusculaire mais hot comme du Blues finalement.

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  4. @Charlu, le quatrième reste mon préféré. Mais tout est bon dans cette série, il ne faut pas omettre le coffret et les deux volumes post mortem.

    @Devant, yep les lives en prison sont excellent, comme une majeur partie de l'époque columbia, sans perler de Sun... Et puis je vais te dire, chez Cash j'aime tout, même les mauvais albums des années 80! Je suis pas objectif avec le type!

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